mardi 31 janvier 2023

.hopesfall. - (1999) The Frailty Of Words


Un objet marginal que ce The Frailty Of Words, première offrande des Hopesfall. Résolument hardcore dans son énergie, ces jeunes gens fleurtent avec tout les interdits pour arriver à leur fin. A grand renfort de contre-temps et contre-points, de breaks incessants, d’enchaînements de plans, de changements de rythme, ce petit monde, dans une démarche exutoire, se rapprochent plus du progressif que des casquettes de baseball. En témoigne cet inaugural Shrines Through qui m'a évoqué un certain Between The Buried And Me... qui leur est postérieur. Tout comme la plupart des références auxquels je ferrai allusion durant cette chronique.

Le math metal In Reflection poursuit le repérage. Le grand point faible reste à mon sens cette voix : à la limite du caricaturale en gutural, pas très assuré en chant clair, les limites sont criantes. Dans les passages hard, imaginez Greg Puciato en mode hysterique. Les quelques incartades plus claire ressemble à s'y méprendre à un chant nu-metal d'un groupe de ton lycée. Bien que l'instrumentation l'accompagne avec beaucoup de variétés, de maîtrise et de talent. Mention super top bien à la section rythmique et surtout la basse de Chris Kincaid.

Un production assez froide, peut-être nécessaire pour laisser parler la musique sans y interférer, m'a fait craindre un manque d'émotion, masqué par cette montagne de technicité. Heureusement, Endeavor me rassurera rapidement, avec son désespoir et son énergie. Cette gestion des moments électo-acoustiques m'a fait songé à Opeth, tout comme le très bon instrumental Lament, qui me rappel par moment l'excellent album Damnation des suédois (rho, j'étais jeune).

Le groovy From Your Hands offre un peu plus de chaleur encore, tout comme A Winter's Rose et ses touches heavy, parfois djent. Le carré et monolithique Comfort et ses breaks de feux, très hardcore, torrentiel, nous claque au visage comme une gifle (encore cette basse d'amour). Oceansize, pourtant fondé la même année, ne peut-être une influence mais nous y retrouvons cependant un arrière gout dans le lumineux A New Day, tout comme dans le long prog The Broken Heart Of A Traitor qui clôture le débat, juste après l'instrumental qui donne son titre à l'album, très typé 90's (un petit quelque chose des Red Hot période Californication... ou c'est moi).

Voilà donc un bout de plastique rond étonnant ou pour le moins intéressant. Sans vouloir accabler le chanteur Doug Venable, il aurait tout à gagner de travailler à l'élargissement de ses capacités, les émotions n'en seront que plus vraies. Un son moins froid (ou plus personnel ?) serait peut-être bienvenu mais rien n'est moins sûr. Et je ne voudrais pas terminer sur des commentaires négatifs face à tel melting-pot de genre et de talents. La suite !

B+
(il n'y aucune raison de les laisser tomber)

Noir Désir - (2020) Débranché


On n'attendait plus vraiment une sortie de Noir Désir. Peut-être qu'on s'en foutait un peu. Vu qu'il était impensable de voir émerger des titres inédits, on pouvait toujours s'attendre à des bandes perdues, des chutes de studio,... Le problème, souvent, c'est que si on n'a pas trouvé ça une super bonne idée de le sortir avant, c'est que ça en est peut-être pas une... Ou alors des prestations en publique. A quand un gig complet datant de la tournée 666.669 Club ? Au final, Barclay nous monte un album acoustique. Pourquoi pas. Vu qu'à priori le vinyle a la cote et que les gens sont près à payer n'importe quoi si ça a l'air collector, autant sortir non pas un vinyle, mais deux vinyles : pas un 45 ou un 33, les deux.  

Sur le 45t est gravé l'enregistrement du passage du groupe à l'émission Much Electric, à Buenos Aires en 1997 durant la tournée 666.669 Club (bah, tiens). Et le son est assez misérable... Problème d'ingénierie ? De budget lors de l'enregistrement ? De conservation des bandes ? C'est dommage, surtout que la participation d'Ákos Szelevényi, saxophoniste hongrois, ayant déjà participé à l'album imprononçable su-nommé, est remarquable. On se consolera en se disant que des cuivres et un son parasité, ça fait vintage. Sans rire, bien qu'un véritable cachet s'en dégage, ça reste étrange et même douteux de fournir une telle qualité acoustique sur un enregistrement professionnel, enregistré en 1997, distribué en 2020. Bref, qu'en est-il des prestations ? Un Jour En France, où le saxophone virevolte, passe l'exercice de style assez facilement. Fin de siècle, peut-être le plus scarifié par sa qualité sonore, reproduit une ambiance particulière, plus spleen, plus mélancolique, plus désespérée. Choix intrigants, Song For JLP, n'est plus cette hidden track bizarre mais un titre country aux effluves éthylique et Back To You, une très bonne face-b, est joué avec énergie, fraîcheur et réussite. En résumé, la talent transfigure la technique. 

Quand le diamant vient se coller sur le sillon du plus large des deux disques, on ne peut-être tout à fait préparer à ce que l'on va entendre. Vous avez déjà eu la chaire de poule à l'écoute de Si Rien Ne Bouge ? Vous n'imaginez pas. La version immortalisé à la radio milanaise en octobre 2002 est un véritable joyau, de ceux qui cristallisent les émotions les plus fortes, qui font briller chaque instruments de la manière la plus éclatante. Le Vent Nous Portera ? Facile, il suffit de glisser de l'electro-acoustique à l'acoustique. Non. Faut-il encore l'habillé de sentiments et d'authenticité, ce qu'ils n'auraient pas pu aussi bien faire qu'avec cette interprétation habitée.  La version americana de L'Homme Pressé renvoi une bonhomie et un plaisir communicatif. Toute la sensibilité à fleur de peau du Des Visages, Des Figures est transcendée quand elle est épurée de son électricité. Les Ecorchés n'en perd pas une goutte d'énergie et A l'envers, A L'Endroit, ce grand morceau, déjà sublime en condition electro-acoustico-live, a tout le temps de déposer à nos pied sa poésie. En clôture, Song For JLP résonne une seconde fois, toujours très bon mais cette fois-ci avec un vrai rendu sonore. J'imagine que ça justifie le doublon. 

Et bien, malgré la démarche qui ne dupera personne, voici quand-bien même un disque à l’interprétation titanesque, qui ne manque pas d’intérêt. Ceci en tenant compte des situations : en pleine tournée des plus rock pour 1997, lors d'une tournée 2002 où les claviers et l’électronique s'invitent plus que jamais dans le paysage musical du groupe. Un vrai travail d'auto-réinterprétation. C'est cher payé la fantaisie du double album mais ce serait aussi passé à côté d'une pièce indispensable pour les fans. Sinon, ça existe en CD pour les vieux et les gens pas cool, et en streaming, mais parait que c'est mal... Vous voyez où je veux en venir.

A-
(j'ai douté des détails, jamais du don des nues)

lundi 30 janvier 2023

Slipknot - (2014) .5: The Gray Chapter


XIX, ouvre le bal masqué avec une mélodie marquante, toute l'énergie et les profondeurs du désespoirs. Cette excellente intro est marqué par une ambiance lourde et profondément déprimée. Les 9 ont, en six ans, affronté deux drames humains. Leur bassiste Paul Gray meurt d'une overdose de morphine. Le groupe n'a jamais caché les tensions explosives entre ses membres mais ont toujours revendiqué leur fraternité profonde. Le nouvel album sera entièrement dédié à Paul. De son côté, Joey Jordisson, la légende vivante, se voit forcé de quitter, mis à la porte pour toxicomanie. Le seul membre du groupe dont le talent n'était souillé d'aucune critique négative, même quand il en faisait trop. Il s'est avéré qu'il n'en était rien : il souffrait d'un lourd problème dorsal.
Sarcastrophe, bourrin, relance cette bonne vieille habitude d'un morceau d'ouverture bas de plafond, pied au plancher. Sans réelle structure, le groupe ne se gène pas pour montrer toute l'étendue de leur savoir faire acquis avec le temps. S'ensuit l'un des plus grand morceaux de Slipknot à ce jour : le nommé AOV. Un morceau intemporel synthétisant tout leurs acquis et leurs talents. Tout le monde y est bon. La prestation vocale de Taylor est sans faille : mélodies, registres, justesse. Les riffs, les breaks, les reprises... et ce pont. Le nouveau venu, Alessandro Venturella, n'est pas là pour faire le compte et fourni ses parties de basse avec brio. Jay Weinberg, qui a la lourde tâche de remplacer le monstre au masque Kabuki, derrière les futs et dans le cœur de fan (et surtout des moins fans) s'en sort  haut la main : moins technique, plus organique, moins démonstratif, plus en feeling.

Le tube Devil In I, à la mélodie simple mais aux arrangements riches avance un moment intense avant le bonbon dark popisant Killpop, entêtant, sombre et à fleur de peau. Un morceau étonnant, dans lequel ils arrivent à donner froid dans le dos sans violence. Un curieux et authentique succès. Quelle ouverture d'album ! Mais ce n'est pas tout : Skeptic tout entier dédié à Gray, cristallise la tristesse et la colère d'une perte, avec ce chant hurlé, ses riffs assassins et sa batterie puissante. C'est d'une violence aveugle, c'est tellement honnête et touchant.

S'enchaîne toute une série de très bonnes choses. Que ça soit Lech, belliqueux, sonnant tel la bande son d'une tranchées souterraines. Goodbye, touchant, plein de ressentit, et sa basse magique (ils ont du talents pour les balades). Les comparses Thomson et Root nous y servent, sur ce titre comme sur d'autres, quelques solos réussis bien ficelés. Ils ne sont jamais là pour peindre.
Le FM Nomadic et son mélange entre Duality et Before I Forget, plus un petit feeling à la Left Behind (et tout ça sans copier) aurait dû être un tube. Le montage savant de plans sur le cathartique Custer font mouche tandis que le miraculé The Negative One, à l'instar d'un Pulse Of The Maggots 10 ans plus tôt, richement fait de bric et de broc tient la route malgré tout par une sorcellerie inconue. 

Bref, vous l'aurez compris, tout est bon. Et quand bien même The One That Kill The Least est ronflant, il n'est pas indigent. Le clap de fin revient au "morceaux à ambiance" If Rain Is What You Want, type du groupe : variations dans le tempo, l'émotions, cette basse magique, le talent de Jones et Wilson.
Outre le voix de l’expérience technique, le groupe a développé un sens de la temporalité et de l'équilibre  dans cette violence (qui reste leur marque de fabrique) pour un résultat heureux, bien aidé par une production aux petits oignons. Tout ceci explique également la grande réussite de ce disque sous-estimé par le commun des mortels mais également par la fan base de la nonette. Pour ma part, le choix est fait. Un autre authentique best-of d'originaux.

A
(et désolé pour cette tartine mais il y avait tant de choses à dire)

dimanche 29 janvier 2023

Converge - (2009) Axe To Fall


Six albums en quinze ans de carrière ; un presque sans faute dont un chef-d'oeuvre, de ceux qui redéfinissent les codes dans un genre pourtant compacte ; une suite spirituelle à la hauteur et cette dernière galette en forme de synthèse, en signe de chant du signe. Avec ce dernier don, le quatuor de Salem semblait arriver en bout de cycle. Que faire après tant d'énergie dépenser pour la cause ? Il leur restait une cartouche, une idée, qui leur trottait en tête depuis un moment...

Un album de collaborations. L'idée n'est pas d'hier. Nombre d'artistes ou de maisons de disques se sont déjà lancés corps perdu (ou pas, en fait) dans l'entreprise pour s’acquitter d'un contrat, pour remplir les bacs, pour faire tourner la machine, sous couvert d'un petit plaisir coupable, comme on ferait un album de reprises ou de remix. Est-ce que les Converge seraient à court d'idée ? Non. Cela reste un album de leur mains, ils composent et jouent sur tout, parfois seuls. Ils ne forcent jamais la collaboration, usant des intervenants quand meilleur leur semble.

En solo, ils ne se refont pas : Dark Horse, cavalcade heavy défonce tout sur son passage et ouvre la voie, tambour battant. Plus loin, ils se remettent au sludge sur Worms will feed/Rats will feast (plus converge comme titre, tu meures d'un AVC) aux ambiances sudistes. Le labyrinthique Losing Battle ; le lumineux Dead Beat ou le terrain miné Slave Driver, avec ses rythmiques de charges explosives, confirment cependant qu'ils savent toujours s'y prendre.

Les collaborations sont quant à elles de différentes natures, par coup de pouce, que ça soit un solo inspiré comme celui de Sean Martin d'Hatebreed sur le survolté Reap What You Sow à tendance new-yorkaise (évidemment) , ou l'hadoken musical Cutter avec le chanteur d'Himsa, qui vient conversé avec un solo de guitare verbeux, mais encore la participation d'Uffe Cuderlund (Entombed/Morbid, rien de moins) sur le loudringue Wishing Well, puissant et efficace.

Parfois, l'osmose prend des traits plus racé, en témoigne Effigy avec les potos de Cave In, à la guitare entêtante et cinématographique. Notons Damages où la quatre cordes de Trivikrama Dasa de 108 apporte une touche rampante et claustrophobe. 
L'un des moments marquants restent la participation gothic country de Steve Von Till (des éminents Neurosis) sur Cruel Bloom où sa personnalité avale tout autour, malgré la participation d'autres acteurs folk. 
Dans la même logique, les excellents Genghis Torn et Trap Them contribuent à ce moment cathartique et suspendu (dans la poussière) qu'est la longue balade glauque Wretched World.

Au final, quel disque ! D'une grande variété, maîtrisé, à l'honnêteté presque étonnante mais sans faille. Restant l'oeuvre de ses géniteurs avant tout mais affichant une grande fraîcheur, Axe To Fall fait plus que réussir son paris, en évitant les pièges, en restant authentique, entériné par une liste d'invités de grandes classe, judicieuse. Une leçon. 

A
"Anytime anybody writes a song, that's one less thing that you can do and still be original. You can't come along and write "Iron Man" today. All the heavy riffs that are that simple are already taken. So, you've gotta find new riffs, and as more of those become taken, there's fewer places to go."
Kurt Ballou

samedi 28 janvier 2023

La Muerte - (1987) Every Soul By Sin Oppressed


La Belgique n'était pas prête à ça. Alors qu'à la même époque les controversé Front 242 durcissent le ton et intimident les ménagères de plus de cinquante ans, les La Muerte déboule par la porte arrière et te fout un pied dans la gueule. Tout de noir, mèches rebelles, sourires d'enterrement, on dirait un groupe cold wave : il n'en est rien. Porté par un chant sale et agressif, expliquant l'étiquette métal qu'on leur colle, leur punk blues très heavy et noisy soulève un nuage de poussière opaque. 

Pied au planché, So Bad, impérieux, t'envoie toute sa délicatesse à la figure avec authorité. Burné, la plaque enchaîne les rafales de plomb : l'urgent Big Trouble, près à en découdre avant d'être rattrapé ; Banjo King bluesy, schizo et musclé à souhait ; ou encore Motorgang, où l'on suit les routes filant à perte de vue, sous la chaleur du goudron, à travers des plaines aux odeurs arides, jusqu'au prochain bar à whisky (à en croire le clin d'oeil à l'Alabama Song glissé entre les gémissements animaux de Marc de Marais).

Relevons l’apparition par deux fois de l'ami Arno (Hintjens) à l'harmonica. La première fois sur la très longue complainte, The Rope's Around Your Neck, balade blues désespérée, résignée, au bord de la folie, chant à bout de souffle et cet harmonica qui geint. La seconde sur une reprise soufré de l'increvable Mannish Boy de Muddy Waters et son chant menaçant, enragé. Une intervention inspirée qui nous rappel qu'il ne manquait pas de feeling (et qu'il nous manque tout court).

L'album se termine sur l'instrumental Guilty, aux ambiances de brasero, où Dee-J sème ses arpèges à la fois spleen et sombres suivi de You're Not An Angel, tendu et oppressant, au porte de l'ambiant. Un premier LP pas pour rigoler où le groupe établie solidement les bases de son style pour les plus de 30 prochaines années et développe son univers entre western spaghetti, gang organisé et psychopathie. A l'époque, il y avait Dorothée qui arrivait à la télé. On était vraiment pas près à ça.

B+
(oil sex whiksy)

Zos Kia/Coil - (1984/02) Transparent

Sur Discogs

Zos Kia serait principalement l'oeuvre de John Gosling avec la participation plus ou moins obscure de John Balance et Peter Christopherson. Donc un Coil + 1 ou un peï + Coil, on sait pas. Donc du coup, on se retrouve devant un split (1+Coil) + (Zos Kia-1) ? L'équation simplifiée : des feedbacks, des boucles, des  triturations analogiques, des nappes glauques sur cris de possédés = un album très power electronic. Mais vraiment pas que.

Sicktone est effectivement un vrai (et sympathique) morceau de power electronics, tout comme Poisons, et sa rythmique noise à la Esplendor Geometrico augmenté de quelques pointes de frénésie évoquant les sulfureux Sutcliffe Jugend. On pense également à Genocide Organ sur Baptism of Fire, très industriel. Mais derrière ce chaos, les textures sonores sont assez recherchées, dont ce Violations qui nous renvoie déjà gentiment à Scatology, le premier LP de Coil, qui sortira l'année suivante. La patte de Christopherson, bienvenue sans être envahissante, se fait sentir à plus d'un moment. Outre cette signature, on ne peut pas occulté un son assez Throbbing Gristle, évidemment, évoquant le coffret TGV, les accents british et la piètre qualité sonore facilitant l'amalgame. Il s'agit d'ailleurs de l'énorme point faible de cette galette, les prises étant presque toutes enregistrées dans des conditions live ou proches (festival, répétitions, démos), très brutes. Les titres frontaux prennent des couleurs là où les moments à ambiances perdent leurs saveurs. On frôle le bootleg et la catégorisation "album" est un scandale. Le déjà assez moyen Silence & Sorcery n'a aucune chance d'atteindre son but et c'est d'autant plus rageant sur Stealing The Words qui arrive pourtant à produire quelque chose  en racontant cette histoire marécageuse, engluée dans une acoustique douteuse.

J'ai particulièrement été interpellé par les excellents Sewn Open et Sicktone 2, qui rouleau-compressent comme du... drone metal (ouai! je sais!), avec ces noires pulsions métalliques et ses bidouillages incessants. Il y a également le très dansant On Balance, au multiple relief, très... ambiant techno (oui-oui). Et tout cela se passe en mille-neuf-cent-quatre-vingt-trois.

Et bien finalement, quand je lisais les avis relativement désastreux sur ce disque je reste assez étonné de que j'y ai découvert. C'est très varié et les comparaisons possibles sont flatteuses, surtout que certaines leur sont ultérieures. Le problème, de facto, est le manque de personnalité. Pas vraiment aidé par une ingénierie sonore quelques fois ignoble pour un enregistrement officiel et quelques pièces sympathiques, tout juste, voire carrément fades (les deux versions de Truth, longues tirades de Charles Manson, au frontière de l'emmerdement). Une collection moins marquante qu'elle n'est historique pour les fans du célèbre duo ou de la scène de l'époque, elle reste sympathique pour l'oreille tolérante et curieuse.

NB : les dernières versions CD offrent deux titres bonus de Ake, l’ancêtre de Zos Kia, sans les Coil : un No Mas très Ramleh, et un machin appelé Rape.

B-
(pas si transparent que ça)

jeudi 26 janvier 2023

Coil - (1985) Scatology



Dans la foulée de l'enregistrement de leur premier EP, le duo poursuit son travail et cisèle son premier longue durée. Dans la logique thématique de cet effort, qui sonnait comme le sous-sol de leur édifice, les britanniques se lancent cependant dans une collection de morceaux, comme autant de pièce de puzzle, ou de vie, construisant cette demeure où l'on sniffe, on baise, on pique, on se déchire, on s'entre-déchire, on s'oublie, on se dépose, on se décharge, on créé...

Cet album est saisissant, de par son approche sans compromission, ses fondements résolument modernes voire avant-gardistes et son exécution maîtrisée.
Comme l'annonce Ubu Noir, avec ses boucles triturés, indéchiffrables, absent de tout instrument, construit de samples et de bruits, soustraits, rajoutés, modifiés, modulés et transformés en musique : l'approche Industrial réminiscente d'un Throbbing Gristle (TG) n'est déjà plus une démarche mais un mode de fonctionnement. En cet absence d'attachement à toute musique savante, ils rédigent leurs propres sciences, leurs propres codes. Genesis P-Orridge soulignait que TG était les seuls punks, de par leur vrai approche "non-musicienne" et le DIY permanent, mais là où les kids pouvaient se rêver aussi (peu) virtuose que leurs idoles, et le mouvement s'en nourrissait, le niveau d'expertise affiché par un Christopherson rabaisse toute velléité d'identification. Ils n'en ont pas besoin. Balance sera cette contre-balance, ce sel humain, ce facteur x, l’élément versatile. 
Comme sur ce Panic, un vrai plaisir d'ingé son où John hurle et geint comme un malheureux, la machine l'absorbant complètement. Les rythmiques sont multiples, les contre-points une base de travail. Un véritable hymne industriel qui renvoie à des Front Line Assembly, parfois Front 242 mais surtout Skinny Puppy. L'album est d'ailleurs très martial est reflète en cela son époque (je pense à ces Aqua Regis et Solar Lodge qui partagent leur sonorités avec celle des contemporains Einsturzende Neubauten). Ce somptueux Restless Day, à l'instru tendue et à la mélodie vocale de comptine, le tout saupoudré des bruitisme malsain au feeling neo-folk. Difficile d'imaginer qu'approximativement toute la scène industrielle des années 80 et 90 n'ai pas été influencé dans la plastique, la rythmique, les sons et la structure de morceaux comme ceux-ci.

L'ambiant At The Heart Of It All, dont les moments de recueillement se voient striés de longues complaintes electroniques stridentes et de quelques notes de piano spleen nous pose la question : est-ce au cœur de l'enfer que celui-ci est le plus calme ? Un de ces morceaux qui raconte une histoire au même titre que l'interlude Clap, halletant, ou l'entraînant GODHEAD = DEATHEAD.

S'il faut chercher la bête, on trouve toujours, la prestation de John montre très vite et clairement ses limites techniques, sans compromettre son intégrité et son authenticité mais la limitant cruellement. Sur le pourtant très intéressant Tenderness Of Wolves, son chant suintant la dépravation en deviendrait caricatural s'il n'était subtilement couplé à cette rythmique assommante, ces cris d'enfants et ses nappes humides. Même constat sur le schizophrénique et maladif The Spoiler qui, en outre, sans être raté, souffre de sa rythmique frénétique. Cherchant une musique rituelle et spirituellement stimulante, le groupe n'aide pas vraiment son album en y appliquant avec une telle assiduité des structures répétitives, qui peuvent sembler redondantes. 

Le disque se termine originellement sur une autre belle histoire, le solennel Cathedral In Flames. Certaines versions rajoutent l'excellente et cultissime reprise grave et lourde de Tainted Love de Cold Cell (et son clip dingue). Un morceau d'histoire se referme ainsi qu'un grand moment de musique. Un premier LP encore fragile, parfois rattrapé par ses intentions et convictions mais dégageant une vraie personnalité et une sensibilité propre, servant de terreaux fertile à tant d'esprits créatifs ultérieurs. Absolument fascinant.

A-
(y a un cul sur la pochette, lol)

mercredi 25 janvier 2023

Coil - (1984) How To Destroy Angels EP



Dans les braises encore chaudes du feu follet Throbbing Gristle, l'entité Psychic TV entretien une chaleur somme toute relative. Deux personnalité des plus marginales s'y rencontrent et, voulant se consumer artistiquement, humainement et physiquement de leur propres flemmes, ils s'en vont peindre les murs de leur garçonnière particulière des couleurs qui leur siéent le mieux. Après les tribulations power electronics mystiques de Zos Kia, à plusieurs, John et Peter se recentrent, Coil naît.

Un premier EP 12" est monté assez rapidement, How To Destroy Angels. Gravé d'une seule face sur certaine édition, parfois couplé avec du bruit blanc ou autres joyeusetés inaudibles sur d'autres, le disque contient un seul et unique morceau dark ambiant. Sur la pochette, on parle de "musique rituelle pour l'accumulation d'énergie sexuelle masculine", ce qui est assez intéressant car je ne trouve la musique ni franchement ritual ambiant, ni franchement sexy, même si ce sous-titre évoque déjà toute l'imagerie Coil à venir : sexe, drogue, homosexualité, occultisme, numérologie,... S'ensuit un long texte éclairants les desseins de l'oeuvre, hommage au dieu Mars. Par la suite, le duo ne sera pas toujours aussi loquace et préférera les sous-entendus et le symbolisme, ouvrant une autoroute aux interprétations (parfois fantaisistes).

Durant ces presque 17 minutes, l'EP déploie des nappes elliptiques de clavier, à la fois froides et horriblement vivantes, solennelles et vicieuses, augmenté de percussions métalliques (au sens propre) comme autant d'objets de torture (ou de plaisir). Profondément mystérieux et inquiétant, la galette se veut également très riche, les différents sons et effets s'égrainant en abondance, tout en gardant une cohérence, ne formant qu'une seule et même pièce. Définitivement, aucun instrument n'aura été maltraité ni trituré durant l'enregistrement de ce disque, tout étant de synthétique et de sample, persistant dans cette idéologie industrial séminale. Le travail et le retravail sur le son n'atteint pas encore des sommets mais reste plus que raffiné pour une ambiance malsaine, claustrophobe, suintante.

Un premier effort concluant, très court, qui laisse un peu sur sa faim, qui ne révolutionnera pas le genre, peut-être trop froid et pas assez organique, mais dont il est difficile ne pas y deviner l'impacte dans la matière des futurs maîtres (Lustmord, évidemment, Nodvargr ou autre Akira Yamaoka). La bande son d'Hostel s'il avait été un bon film, d'un Silent Hill sado-maso ou d'Hellraiser... ah, ça, ça sera pour plus tard.

B
for maximum potency it should only be played in circumstances that are exclusively male and/or onanistic in nature

samedi 21 janvier 2023

melvins - (1991) Bullhead


Avec ce nouvel opus, les Melvins clôturent ce que je me permet d'appeler leur trilogie de béton : du lourd béton gris, celui qui macule le mur humides des caves. Les trois de Washington poursuive sur la même voie thématique en aiguisant le style, poursuivant leur lente mutation. Les morceaux se structurent de manière plus conventionnelle mais sans perdre en essence, moulant plus de formes à ce marasme punk. Les hostilités s'ouvrent sur Boris, la quintessence du melvinisme, tellement doom, aux riffs imparables. Huit minutes de tube sludge. La torrent de décibels se poursuit sur Anaconda Buzzo beugle comme un rageux avant de tendre la corde sur Ligature, prette à craquer. 

L'album, charnière, incarne la mémoire du passé, un instantané de l'instant et les prémisses du futur. Le plus stoner du trio à ce jour, tel ce If I Had An Exorcism, dégoulinant, qui s'échoue presque en drone ou Your Blessened, incandescent, sur lequel ils prennent de la hauteur et flottent dans le désert spatial. La galette poursuis la mission débutée sur son prédécesseur et ouvre les portes au grundge naissant (et l'arrivée d'un certain Houdini) avec It's Shoved. La basse de Tori Black groove sur ce titre post-hardcore,  mais résolument alternatif et rock'n'roll. 

Pour claquer définitivement leur premier chef-d'oeuvre, ils nous achèvent sur le heavy et urgent Zodiac et le furieux rodéo Cow dont l'outro en solo de batterie de 2 minutes, bien lourd, nous drague avec un de leur plus beaux atouts, le feeling de Crover, comme le déhanché d'une vieille pute. Ah ! Les salauds...

A
(chez Boris, c'est soirée disco)

jeudi 19 janvier 2023

Orelsan - (2009) Perdu D'Avance



Le Grand Jacques disait qu'Orly était triste le dimanche mais c'est probablement à Caen qu'on doit se faire le plus chier. Aurélien n'est pas encore Orelsan mais avec son petit groupe d'affociniados de hip-hop, ils écrivent et jouent dans leur coin. Le mec a 25 ans quand il publie sur MySpace ses premiers titres Ramen, Saint-Valentin, Sale Pute,... Second degré total mais flow imparable, lyrics grossières mais soignées, l'intérêt musical reste douteux, peu aidé par une production DIY. Nourris par la culture geek d'une époque où elle est encore une insulte, l'enfant des années 90 transpire toutes ses influences. Il continue à s'amuser (et sort, autre autre, un slam de Batman - ah si) et fini par lâcher le titre Changement, autrement plus sérieux à tout point de vue. Enfin repéré, il empile pour un premier album, Perdu D'Avance.

Largement influencé par le rap old school, l'album sera le plus "hardcore" (lol) de toute sa discographie. En atteste la première pièce Etoiles Invisibles et sa boucle de piano samplée mais, bien sûr, son refrain très pop. Seul morceau préservé de ses vertes années, Changement et son refrain imparable, au beat plombé qui contraste avec ce rap rapide (un peu comme l’exécutait un Nonstop) se montre sous des parures et arrangements bien plus affriolants. L'ensemble de l'album est d'ailleurs une vraie réussite dans sa production pure, l'ami Skread n'étant pas le dernier venu dans le milieu (je ne suis pas wikipedia).

Le niveau des textes est déjà un cran au dessus. Pas tant thématiquement, car le français, plein de spontanéité, nous y dépose sa jeunesse, sa ville, ses soirées, ses amis, ses déboires amoureux, le tout saupoudré de références à la pop culture du Club Do' et d'un maximum de punchlines vulgaires (car ça les puncher). Les déclas machistes (Pour Le Pire) répondent au trips égocentriques (Logo Dans Le Ciel, facile mais très bien ficelés littérairement), façonnant cette image gagnante de looser magnifique au syndrôme de Peter Pan. Le véritable talent du jeune homme repose sur sa plume pure, son flow savant, ses trouvailles d'écritures ingénieuses ou ses jeux de mots facétieux. Il serait d’ailleurs aisé d'omettre complètement la musique lors de l'écoute tant il y a de choses dites avec la manière. La composition, sur l'ensemble du disque, semble facile mais pas sans intérêt. Outre l’efficience des refrains entêtants, des arpèges du très 80's Perdu D'Avance ou encore du son Snoopo-doggo-Dr. Dre d'Entre Le Bien Et Le Mal on peut noter la sombre nappe de clavier sur No Life, la french touch d'une Soirées Ratées ou le presque chip tune 50 Pourcents.

On parle de ce débat autour d'Eminem ? Il n'y a pas : la comparaison est évidente. Rappeur blanc sur musique de renoi pour publique blanc. Maîtrise indécente du verbe et du débit. Second degré. Amour du hip-hop (l'instru Gangstarr d'un Courez, Courez) sur refrain de pop (mais sans pour autant leur dire stop à base de popopopop). Elle est évidente mais elle s'arrête là : les univers sont différents, l'époque mais la sensibilité également. 
Voilà un premier effort réussi, non sans quelques facilités ou gimmicks, varié et spontané, qui manque parfois de caractère mais pas de personnalité, ni d'humour slice of life. Plus qu'à espérer que le canais affine son propos et sa musique pour moins puérilités et de grivoiseries racoleuses. Heureusement, l'histoire prouvera qu'il se bonifie avec le temps comme une bonne huit-six.

B
(j'sais pas qui c'est ton rappeur préféré mais sache qu'il est meilleur que lui)

lundi 16 janvier 2023

Noir Désir - (2022) Comme Elle Vient



Que faire de cet LP ? 20 ans après la fin de cette tournée mythique, 17 depuis le En public qui le deviendra bien vite, tout comme son DVD compagnon En Image ? Barclay cherche dans le fond de ses tiroirs quelque chose à se remettre sous la dents, puisqu'ils n'ont pas omis de laisser retomber les grands vents des anciennes tempêtes. En soi, on a toute les raisons de dire merci après l'intéressant Débranché et l'indispensable Elysée Montmartre 91 sortis dernièrement. Mais tendez l'oreille, ce concert vous sera peut-être familier, pas uniquement car une autre galette de la tournée est déjà sortie, mais bien car le son est celui du concert intégral du disque vidéo su-mentionné : le live à Evry de 2002, une des ultimes dates de l'ère Des Images, Des Figures. Un concert à l'image de la tournée : incroyable, s'il faut le dire, aux ambiances profondes et subtiles.

D'un point de vue  technique, le son est presque parfait. On peine à croire à un enregistrement en direct outre l’interprétation. On note un mixage qui fait la part belle aux ambiance et instrumentations, la voix de Cantat étant plus en retrait et le public ne faisant que de brèves apparitions. Après cette longue tournée, le groupe est rodé, à son sommet artistique, le moindre arrangements, comme autant de friandises, sont éprouvés et leurs morceaux apparaissent tel leur état définitifs. De facto, la mosaïque que forment les morceaux est plus profonde mais moins énergique, moins hargneuse. C'est très bien aussi.

L’exécution est habitée, comme toujours, fumeuse, en témoigne cet éternellement magnifique Si Rien Ne Bouge. L’exalté Les Ecorchés répond à un Pyromane, tout en mesure, en émotions et contrastes. Septembre En Attendant se métamorphose en jam atmosphérique, plus Led Zep que jamais, sans oublié l'odeur de poudre d'un One Trip One Noise, qui n'aura jamais été aussi hallucinatoire et brouillant. Jusqu'au bouquet final, tout ce qu'il faut est là.

Mais... Avait-on vraiment besoin de ce disque ? Alors que cette tournée fut presque enregistrée sur toute ses dates ? Qu'il existe sûrement des prises pro d'une poireauté de gigs inédits ? On attend toujours une chute de la tournée 666.667 Club... Que faire de cet LP ? Le (ré-)écouter ? OUI, ne nous privons pas de belle chose. Le (r)acheter ? Mais plutôt crever.

Et donc :
comme dans Artistiquement : A
comme dans Démarche : D
(Quand on vivait mieuxIl y avait Paul et Mickey on pouvait discuterMais c'est Mickey qui a gagné)

dimanche 1 janvier 2023

Fripp & Eno - (1973) (No Pussyfooting)

Sur Discogs


Il n'a pas encore commencer de carrière solo qu'il avait déjà enregistré un album. Roxy Music bat le fer, il est chaud ; Brian s'en va Enoïsé dans son coin avec la participation du camarade Robert  Fripp. Le terrain de jeu ? Un principe tellement simple : des nappes de claviers générées plus ou moins automatiquement sous les programmations fantaisistes d'Eno, tandis que Bebert triture sa guitare, fait jaillir des arpèges vers les abîmes d'une autre dimension. Normal.

Et la (non-)musique dans tout ça, outre ces considérations d'ingé-sons? Le LP se divisent en deux morceaux, chacun remplissant une face. La première se voit scionnée d'un long titre, entre organique et mécanique, du doux nom The Heavenly Music Corporation. Le légendaire guitariste appose avec parcimonie quelques jets de sa "Frippertronics" sur un mur de gris, quelque chose entre les cris primaux des profondeurs hadales et les conversations astrales. Probablement la première option, car la seconde face, pour un autre visage au travers des miroirs, Swastika Girls, cette spirale ascendante, nous emmène vers un autre endroit. Qu'importe la destination : le voyage, tout ça... 
Le contraste entre la machine et l'humain, entre le froid du néant et le réconfort d'une voix, est touchant.

Ce qui est intéressant sur cette galette, c'est que dès ce premier manifeste des théories musicales d'Eno (minimalisme, musique auto-générés, programmation plutôt qu’exécution,...) le résultat est plus que concluant et, mieux, l'émotion est présente. Cependant, il n'a pas encore atteint l'apex de sa pensée et la patte (Frippienne) de l'humain (mais est-il vraiment humain ?) est omniprésente. Ses questions resteront donc encore en suspens. Mais ne s'annulent-elles pas quand on les pose ? Qu'importe les moyens, la fin les justifieront toujours...

A-
(no pussy-shitting)


The WRS - (2022) Capicúa

Sur Discogs Si tu sors plus de deux albums, en Belgique, t'es obligé d'avoir une couv' d' Elzo ( Le Prince Harry, My Dilige...