jeudi 30 mars 2023

Neptunian Maximalism - (2018) The Conference Of The Stars


Cette longue introduction dark ambiant avec son saxophone qui tourbillone comme un tempète de sable pourrait ouvrir les portes sur un temple damné... ou bien sur un autre pan dimensionnel, où les déités sourient de la même grimace de plaisir que de souffrance. Nous sommes au crépuscule de quelque chose de nouveau. Dans sa libre frénésie, ce bois évoque celui du maître Coltrane, tout particulièrement sur un de ces testaments, "Interstellar Space".
L'entreprise se poursuit avec sa pièce maitresse, "The Conference Of The Stars", dédié à Cléopâtre (ah ouai quand même). La basse se fait mystérieuse et mélancolique, le saxo diabolique et la guitare de plus en plus drone metal, jusqu'à écraser, avec un plaisir malsain, l'ensemble de la composition. Ces vocaux d'outre tombes accompagnent ces sonorités bruitiste ritual dans un délire qui frôle l'incantatoire.
Le projet bruxellois, mené tambour battant par le guitariste Guillaume Cazalet et le saxophoniste Jean-Jacques Duerinckx (Ze Zorgs), a pris vie lors d'une résidence à la salle HS63, à coups d'impro et de triturations, d'audace et d'experimentations. En résulte donc ce projet dark jazz, d'un dark complètement dark. Ou d'un drone complètement free ? Sur ce morceau titre, à l'écoute de ces lamentations stridentes, occultes et orientales, on pense inévitablement à Sunn o))) qui aurait remplacer le Merzbow de son béhémoth par Sun Ra.
On pense, dans le feeling, à le "Execution Ground" des Painkiller ou sur ce troisième mouvement nommé "ZÂR" (pour faire court, parceque bon) à un Lustmord quand il fricotte avec les Melvins, pour un résultat définitivement industriel et dark ambiant, qui fini en percussion tribal et en larsens infernaux. Le feux primordial des belges est chauds, étouffants mais noire.
L'album aurait pu s'arrêter là, aussi soudainement, dans le néant du vide. Mais, comme une scène post-générique, un bref épilogue tease le chapitre à suivre, en poursuivant le propos, en faisant défiler encore quelque pages, sur des rythmes tribaux et des cuivres inquiétant.
Un premier album riche et inspirant, qui résulte de l'expérience de chacun de ses intervants. Il souffre un peu de sa durée, laissant un arrière goût de trop peu, comme si tout n'avait pas pu être correctement dit ou jusqu'au bout, n'atteignant pas tout à fait l'apex de son climax. A moins qu'on le voit comme une introduction de quelque chose de plus grand à venir, à en croire la communication du groupe ? Esperons-le, car l'expérience est déjà très belle alors si elle peut se poursuivre.

B++
(quel caractère ! et son nez !)

mardi 28 mars 2023

Baby Fire - (2011) No Fear



Après l'experience Keiki, la vocaliste Dominique Van Cappellen se lance, sans Raphaël Rastelli, dans un projet exclusivement féminin pour un registre moins sophistiqué, plus sombre, saturé, mais non moins interessant. Le grunge industriel du power trio est carré, parfois heavy, les riffs y sont tranchant, les breaks assassins. Une des premières comparaisons, d'une très longue liste, serait Filter. Mais le groupe ne s'arrête pas à ça.

Dominique étale, mais à grande couche, tous son talent, le mot interpretation n'ayant jamais été aussi apropos. Ecoutez plutôt le stoner This Baby où elle frôle la schyzophrénie. Assaisonant chaque titre de son charmant accent anglais, le très bleusy Insect/Flower ou le heavy Dark Ages sonnent comme autant de variante britpop. Si ça peut vous brancher, on pourrait presque parler d'un petit côté Wet Leg bien burné (et bien avant l'heure) ou un Hole british (le FM I Love To Cook). La lourdeur, on peut en reparlé pendant longtemps sur le haché Fingers ou le rouleau compresso-Karma-To-Burné Worst Things, et ce sans perdre en fragilité : on le constatera sur la parfaite dualité de Sober.

Pour ce premier essai, les filles ont su s'acoquiné de quelques noms sympas, que ça soit le fidèle Raphaël sus-cité sur ce Half-Sick Of Shadows à la Soundgarden, ou avec Dana Schechter (mais si : Swans, Angels Of Light,...) sur le marécageau et lugubre Soap, d'une épaisseur hyper-saturée. La palme revient au Melvins-eux Bureau d'Echange Du Mal II: Dust Soup (haha, lol) avec, pemettez du peu, l'inénarable Eugene Robinson d'Oxbow où la tension atteint une beauté impérieuse.

Entre grundge, doom, noise rock, drone, toujours sur un format de chansons, pour l'ensemble très courtes, les belges mangent à tout les rateliers, avec force de personnalité et d'authenticité. La courte durée de l'album l'aide peut-être à se sauvé d'une rythmique parfois répétitive et un vrai sens du break tellement assumé qu'il en devient abusifs. Mais rien n'est jamais parfait et, bon dieu, ne nous privons pas devant une petite pétite qui mérite qu'on porte toute notre attention à ses créatrices. 

B++
(sturm und drang total dans ta face)

Baby Fire - (2014) The Red Robe


La musique de Baby Fire se construit toujours sous forme de chansons au sens traditionnel, mais encore une fois, entre la structure carré du rock industriel et, ici, le son noire du doom. Le noir et le blanc des notes offrent à ce nouveau tableau une infinité de gris, entre glauque et horrifique (Dogs), tantôt gothique (le ritual Cold, qui porte bien son nom) tantôt sacré (quelques choeurs éparses).

La voix chaude et habitée de la britannique Dominique Van Cappellen humanise avec élégance et profondeur des riffs glacé, flirtant avec la Cold Wave (dont cet excellent Victory, très Joy Division). Mais les filles ne font pas les choses simplement et les lignes se brouillent à nouveau : les ambiances funeral doom-esque du morceau titre répondent aux lourdes gouttes de plomb des lugubre arpèges de guitare southern rock tandis que le rock grungisant se marie au post-punk ethereal.
Notons également le très martial et intense Mother, le space-doom occulte de The Perfect Dress, la balade noisy At The Very Heart ou le fragile Secret Ceremony.

Cette seconde oeuvre du power trio le plus déprimant de Bruxelles nous promet un séjour dans une demeure hantée durant lequel on doit se résigner à y rester piéger, toute issues étant impossible. Un peu comme un mash-up entre le Nosferatu de Murnau et The Shining de Kubrick. La plaque se finit sur le très Oxbow (bah tiens!) The Lit Light avec ses relents Ministry-ien, qui résume bien toute la joie de vivre mais surtout l'originalité et le bon goût de ce projet qui mérite toute l'attention qu'on a pu lui porter. Encore ! Qu'on se marre !

B++
(i do not want to shock the neighbours)

lundi 27 mars 2023

René Binamé Et Les Roues De Secours - (1990) Hop! Hop! Hop!


Attention ! La musique présente sur ce support a été gravée selon des techniques traditionnelles de Do It Yourself. Aucun premier premier degré n'est a appliqué avant son éxecution. Notre savoir-faire de déguste avec sagesse

Les Binamés avaient encore des choses à raconter, des aventures à compter. Dans un cross-over entre Fluide Glaciale et Charlie Hebdo, sur un scénario d'Edika, sous le crayon de Charb, les dinantais débites leurs élugubrations dans un paysage sonore fait d'authentique saturations énamourées. Car un tel artisanat, on le vit par passion. La formule ne change donc pas : blagues potaches, fandage de poire, trois accords, esprit libertaire, approche sérieuse qui ne se prend pas au sérieux : on ne badine pas avec l'amour et ces wallons ne sont pas que des guignols. Leur style ne cessera d'évoluer et, sur ce second LP, leur anarcho-punk se maquille de quelques fards blues. 

Entre des samples sentis (Flagada Jones, drague relou, messe,...), le groupe égraine les arpèges et les mélodies poussérieuse, presque country ("Les Sodomites Billy", "Léon") ou les riffs bluesy (la balade crooner "Jour Du Seigneur" ; le noisy "Le Blues De La Banane"). Le punk des familles n'est cependant pas oublié, on vous rassure ("Lors René Binamé" ; "Tarzan N'Est Pas Mort"). Les paroles, selon la tradition binaméenne, sont, au bas mot coquasses, voire carrèment absurde ("Les pdt"), toujours irrévérencieuses, quand elles sont audibles. 

Notons ces quelques titres qui viennent enrichire la lexique du groupe. Le lancinant "Cas De Conscience" est le premier de son type : long et réptétitif, garni d'un chant parlé. Un premier jet amusant à l'écoute mais bien moins convaincant à la réécoute. Ils feront mieux plus tard. 
"La Bouilloire" se devait d'être chanté, c'était une envie et donc un besoin, et donc une nécessité, toute l'essence libertaire selon Aredje. Olivier n'avait plus assez d'encre sur sa plume ? Ca n'a aucune importance, nul besoin de texte pour chanter - le scating l'a prouvé, des onomatopées suffisent. Mais ne serait-ce pas toute l'essence du punk ? Faire du bruit, avec l'envie, sans les moyens, qu'importe, faire ce qu'on veut.
On trouve aussi la balade brouillante "Noordzee Blues", qui comme son nom l'indique, évoque, avec sorcellerie, tout la mélancolie de nos vacances à la mer du nord de nos vertes années. Ils savent faire ça les Binamés.

Plus musclé que le précédent mais moins pourvu de morceaux marquant, le LP se trouve un peu enfermé entre ses délires, ses intensions et sa production. Il reste un disque divertissant et d'une honnêteté sans faille, toujours moins marrant que son prédécesseur, toujours moins bon que le suivant, systématiquement meilleur que ce que l'on s'en rappel. Et puis terminer sur une ritournelle nommée "J'encule", c'est la base.

B-
(Et si ça ne vous suffit pas, on s'en fou, nous on a que ça)

mercredi 8 mars 2023

Prick - (1995) Prick


Après la longue et frustrante existence de Lucky Pierre, Kevin McMahon retrouve son ancien claviériste live et ami, un certain Trent Reznor. Kevin, toujours quelques titres sous le bras, et Trent, toujours aussi boulimique de travail, se retrouvent finalement en studio pour que le deuxième produise et distribue enfin l'album inaugural du premier. Le projet part inévitablement vers le rock industriel en vogue, sphère de compétence du fondateur de Nine Inch Nails.

Le duo n'aurait pas pu choisir un meilleur titre d'ouverture que ce Communiqué : l'écriture fine, à tiroir, ces changements de plans, ces saturations, le bruitisme, la déstructure, sont au service... d'une chanson. Car l'industrial de Prick est à ranger au côté des Outside de Bowie, des Year Zero de Nine Inch Nails (Riverhead), du Paradize d'Indochine ou encore de Stabbing Westward (particulièrement le single Animal et sa basse ensorcelée), c'est à dire des morceaux de rock avant tout, voire de pop-rock, avec des bruits bizarres.
Il  n'y a pas que sur ce titre que plâne l'ombre de Bowie. Déjà à l'époque de Lucky Pierre, McMahon ne pouvait que difficilement caché son influence (alors période Hunky Dory), bien que les sonorités électroniques ici présentes nous renvoient, de facto, à Outside ou Earthling (comme sur le quelque peu drum'n'bass Other People, où le backing vocal de Reznor se fait clairement audible). Outre Communiqué, Tough est un autre recyclage du premier groupe de l'interprète, transformé en cartouche indus évoquant l'Astonishing Panorama Of The Endtimes de Manson. Mais on retrouve également une touche Lucky Pierre au moment d'I Apologies ou de la balade No Fair Fight (qui finit en cacophonie désespérée).

Une seule chose empêche ce melting-pot décousu de s'effondré : le talent. Que cela soit la comptine camée Makebelieve, le punk-rock indus I Got It Bad ou les blues électro Crack, le bonhomme démontre un talent d'écriture éclatant, distillé à coup de breaks sentis, de mélodies superposées et de vocaux inspirés. Et même si les influences se font entendre, elles sont parfaitement digérées. La patte du producteur n'empiète jamais sur la vision de l'artiste : écrire des chansons. Un album de rock indus méconnu et, pourtant, un des meilleurs.

A
(et pas moins)

samedi 4 mars 2023

.hopesfall. - (2002) The Satellite Years


Le kilo de chaire pèse-t-il moins lourd que son équivalent de plume ? Car l'esprit flotte vers le lieu aspiré. Le bord du précipice est invisible dans l'éblouissement des étoiles. L'attraction est plus forte que la volonté. La chute est exaltante. Mon moi se brise sur le sol mais le voyage ne fait que débuter. Je l'ignore. La plénitude et le tourment se ficèlent autour de mes émotions boursouflées. Les paysages défilent comme une pélicules remontées dans le désordre. Le soleil se couche sur un ciel nouveau. Quand la robe nocturne point, une créature d'un autre âge tend le cou sur ma carcasse rincée. Ses pensées me percent les tympans tel une berceuse - me traînent, me guident. Le sol défile d'une vélocité croissante sous mes pieds balant, la friction rend l'air étouffant. Le vertige fait tourner des images d'une autre vie, ailleurs, en des paysages hallucinatoires. Le temps se tord pour mieux se compresser, jusqu'à se figer complètement : arrêt aussi brutale que salvateur. Un couloir polycromique m'aspire toujours plus bas vers moi-même. Les sous-basements ressemble un peu à mon enfer. L'enfer, c'est les autres. Suis-je seul ? J'ai presqu'atteint le précipice. Ce n'était que le fantasme recouvrant mon âme telle une tâche d'huile. Les astres ne me regardent plus, ils se livrent à des jeux oubliés. Qui suis-je pour n'être autre chose qu'un spectateur ? Leur mouvement enluminés durent plus d'une eternité pour s'accomplir sans s'annoncer. Le combat fait rage. Plus rien n'a de déroulement, tout se supérpose. La violence douce-amer attrophie ma vision. Un don de destruction pour une obole de vie. Un sacrifice de vie pour une offrande de mort. L'alchimie universelle. Le juste retour du chaos. La toute première règle oubliée réécrite. Il n'est peut-être pas trop tard. Je saute dans l'habitacle et actionne tout ce que mes bras m'autorisent d'atteindre. Le mur du son me brise de deux côtés. La vérité se plie. Je me réveille, les oreilles m'hurlant des choses belles à pleurer. Je crie pour que le temps reprenne son cours. 

Je me lève de ma couche et, encore saoûl des chuchotements de Morphée, j'aggripe une feuille et j'y couche de la pointe d'une mine :
"Pour finir, avec ce deuxième album, plus spleen que jamais, les Hopesfall signe donc leur pièce maîtresse. Le gutiariste Ryan Parrish ayant eu la bonne inspiration de reprendre le micro à son compte, les vocaux sont, certes conventionnels, mais bien plus complets, sans perdre en honnêteté. Cette galette faite de mélancolie et d'énergie affiche son space rock d'un artisanat qui ne relève pas de l'hardcore technique mais du progressif. Les structures allambiquées sont cependant ornementées de lignes (dont cette basse magique de Chad Waldrup) claires où l'hardcore est tellement "post-" qu'il n'a pas peur d'être presque indie. L'album ne manque pas d'idées (de breaks magnifiques au claquements de main en passant à des arpèges fins) et cette succession de courts morceaux forment une mosaïques, comme autant d'escale à un voyage. Un album magnifique." Merde, j'ai peut-être oublié d'écrire le début de ma chronique.

A
(Satellite's gone up to the skies
Things like that drive me out of my mind)

vendredi 3 mars 2023

René Binamé et Les Roues De Secours - (1988) René Binamé et Les Roues De Secours EP



En 1988, le punk est loin. L'intelligencia se régale de post-punk en tout genre puisque, enfin, on peut lui coller une légitimité. Le hardcore anime les pogos. Etre punk, ça n'était plus vraiment cool. En fait, ça ne l'a jamais vraiment été. C'était marrant pour choquer les mère en cache-poussière mais on est passé à autre chose. Trop tôt pour le label culte, trop tard pour être à la mode. Mais Olivier Binamé, il vient de Dinant où il partage le désœuvrement de la vie populaire, il s'est farci trop de catéchisme toute sa jeunesse, ses idoles mettent les pieds dans les plats ou dans la gueule et, surtout, n'ont jamais été foutu de lire une partition. Parfait : alors c'est possible.

Sous le patronyme de René Binamé et entouré de ses roues de secours, il balance dans un DIY et un semi-amateurisme assumé un premier six titres auto-titré de treize minutes, parce qu'il n'en faut pas plus pour raser tout azimut. Sous couvert d'anarcho-punkisme, ils se paient le scalp d'à peu près tout ce qui porte un insigne ou un chapeau, sur un ton léger qu'on classera (trop) vite en humouristique. Comprenez, ce premier titre, L'Opium Du Peuple, ne pourrait pas être plus Ludwig Von 88 si les parisiens l'avaient écris eux-mêmes. La pilule Dalida et sa cavalcade de basse offre un premier texte typiquement binaméins, c'est à dire à la fois amusant et absurde, potache et décomplexé. Un peu comme Jésus Sur Sa Croix qui relate, d'abord en clair puis en saturé, les affres des attributs de notre sauveurs à tous. A la limite du mauvais goût, le groupe se sauve en brandissant son second degré et son je-m'en-foutisme goguenard. Premier grand tube des Binamé, La Moustache, ritournelle anti-maréchaussée qu'il est bien difficile de se retenir de connaître par cœur pour la reprendre a tue-tête au moindre contrôle routier.

Après une interpretation punkisée de L'Internationale, évidemment, qui ouvrira la porte à un futur album fumeux de reprises (vous verrez, j'arrive), le groupe nous indique avec fureur que C'Est Fini (déjà). Avec ce premier EP, les wallons y mettent un peu toutes leurs formules favorites avec fraicheur et authenticité et marque le début de leur longue aventure et celle de leur label Aredje, avec l'aide, l'énergie et la bonhommie de l'ami Marcor (qui est drôlement fort).

B
(c'est pas la crête qui fait le punk, c'est la moustache, c'est la moustache...)

The WRS - (2022) Capicúa

Sur Discogs Si tu sors plus de deux albums, en Belgique, t'es obligé d'avoir une couv' d' Elzo ( Le Prince Harry, My Dilige...