vendredi 28 octobre 2022

sunn O))) - (2002) Flight Of The Behemoth


Quand on trouve une formule qui fonctionne, il reste trois options à exploiter : soit on la répète, soit on la diversifie, soit on la pousse jusqu'à son comble. sunn O))) applique les trois simultanément. Quand sonne Mocking Solemnity, on ne sait trop si un moteur démarre ou s'il s'agit du souffle d'une force païenne. Quand Wagner écrivait le souffle de vie en ouverture de L'Or Du Rhin, le duo de la cité émeraude écrit le souffle de mort. Cette longue pièce introductive à la suivante, ambiante et menaçante, à la texture gigantesque, marque l'envol pataud du behemoth.

S'enchaîne donc Death Becomes You, qui porte merveilleusement bien son nom en peignant d'un noir de jet épais le ciel de cet au-delà. La composition de ce paysage au fusain ressemble à s'y méprendre à quelques autres exquises de leur premier effort mais les couleurs se veulent ici encore plus profonde, le son encore plus intense, d'une densité encore plus lourde. Une sorte de paroxysme du savoir-faire des chevelus de Seattle pour un véritable tube drone.

La grande attraction de cet LP reste la participation de Masami Akita (aka Merzbow). La pop star du bruitisme nippon mixe et glisse sa patte sur deux titres (O))) BOW 1 et 2). Le premier ressemble un peu plus à son "Parent 1" à cordes, avec cette épaisse matière drone, tapissé de cet engrenage infernal, lancinant, ponctué de quelque notes de clavier maladives. Cette introduction ouvre les hostilités au second mouvement, qui porte les traits de son "Parent 2" japonais. Véritable Pulse Demon à la sauce sunn O))), il évoque par moment un certain Kevin Drumm : corrosif, industriel, noise, mécanique... avant que ce clavier ne reviennent nous hanter. Comme le marteau de Siegfried  imposait le tempo de l'orchestre (encore Wagner, une simple suite d'idées), les instruments se font machines, déclament leurs tortures sur cette bise saturée, au reliefs multiples, avec ses strates de sons, menaçantes, glaçantes.

En épilogue, une autre reprise, For Whom The Bell Tolls de Metallica. Un riff par ci, un accord par là, rincés, triturés à un point de non retour, aucune place n'est laissé au matériel d'origine. Cette étonnante boîte à rythme et ces vocaux d'outre-tombe (qui évoquent un futur Black One) finissent de faire de ce morceau plutôt différent une vraie réussite.

Cette nouvelle plaque démontre que le duo à fermement l'intention de s'accrocher à leur concept, poussé toujours plus loin, ils l'exploreront jusque dans les moindres recoins et ils ne manquent pas d'idée pour y parvenir. Une nouvelle bande son pour L'Enfer glaciale d'Aligheri

A
(vrouuuuuuuu-tchip-tchip-crack-boum-ouuuuuuuuum)

dimanche 23 octobre 2022

Slipknot - (2004) Vol.3: The Subliminal Verses


Après un premier album rentré au panthéon du nu-metal (qu'on le veule ou non) et un second manifeste de noirceur, de haine et de pipi, les Slipknot étaient attendu au tournant, autant par leurs fans qui patientaient avant le retour du messie, que par les rageux qui entre-apercevait une nouvelle aubaine de cracher leur venin. Le résultat provoqua toutes les réactions attendues mais pas toujours dans le bon ordre. Car très rapidement, ce troisième volume affiche un changement de direction presque radicale et de sérieuses ambitions. Faisant feu de tout bois, le groupe se lance dans des structures plus alambiquées, des mélodies moins évidentes, une temporalité plus soignée. Les haters sont bien ennuyé de ne plus retrouver ce nu-metal si facilement concassable et les fans se sentent trahis. Que demander de plus ?

En témoigne ce Blister Exists à la batterie militarisante, le fulgurant Opium Of The People ou cet organique crescendo Three Nil, le groupe ne resucera pas sa formule mais a toujours l'intention d'en découdre. Les hurlements toujours plus maîtrisé de Corey Taylor, les riffs acérés et la batterie dantesque de Joey Jordisson (toujours aussi imposante jusqu'à l'excès, toujours aussi impériale) découpe ce maelström d'idées en cartouches empoisonnées à géométrie variable. En contre partie, la nonette nous livre quelques moments de recueillement tels le premier morceau, Prelude 3.0, balade résignée, un Circle à la mélodie soignée ou la balade industrielle de clôture Danger - Keep Away. L'occasion de parler de l'une des plus jolies audaces de l'album, le dyptique Vermillion. La première partie, un titre déstructuré, cathartique, à tiroir, pose une mélodie qui sera sublimée, quelque titres plus loin, dans un habillage électro-acoustique sensible, chœurs à l'appuis. Un contre pied total mais finement joué, un moment fort du LP. 

On parle bien de Slipknot. La violence et la hargne seront toujours leur marque de fabrique, ils ne les délaissent pas, il élargissent simplement leurs champs de vision. Une approche quelque fois étrange (sans aller jusqu'à dire expérimental) aux structures étonnantes, aux transitions parfois un peu abruptes, qui fournissent une atmosphère particulière à la plaque. Ce paroxysme sera atteint avec Pulse of the Maggots, qui sonne tel un pantin désarticulé peinturluré de toutes les nuances du rouge, gardant sa cohérence physique par quelque sorcellerie. 

Malgré quelques passages plus faibles (Welcome ou le bipolaire mais trop peu original The Nameless) la galette est une réelle réussite, qui demande plus de temps qu'un Iowa pour se révéler mais qui ne manque ni de morceaux efficaces, ni de bon moments. En affichant ce refus du surplace et l'envie de montrer l'étendue de sa personnalité, le groupe de Des Moines signe ici une missive ouverte à toutes personnes qui font siffler leurs oreilles.

A-
(definitively the pulse of the maggots)


vendredi 14 octobre 2022

Melvins - (1989) Ozma


Une batterie pataude, du blast, des cordes rondes et baveuses, les Melvins. Second album - seulement, et un son, à eux, reconnaissable entre tous, pas besoin de rodage. Pour leur deuxième tentative, ils reprennent les négatif de leurs premiers clichés. On décompresse les morceaux, on crée des espaces, pour mieux laisser les instruments respirer, dégouliner, s'épanouir. 

Plus aérés, plus mélodiques, légèrement plus conventionnels dans leur structure, les titres s'embourbent dans un marécage de sludge, entre-coupés de fulgurances glauques. On se laisse aller à tous les possibles : qu'importe, le moyen justifiera la fin. Le trio s'ouvrent aux consonnances métalliques (Let God Be Your Gardener, le tendrement heavy Agonizer) ou encore le proto-grundge (Raise A Paw)  dans des ambiances post-apo (Ever Since My Accident), menaçantes (Koollegged), désespérées (At A Crawl), balistiques (Révulsion/We Reach)...

On jam en masse et découpe en tranches post-punk variées, on sert froid et sale. A l'image de la basse claquante de Lori Black. La batterie organique de Dave Crover, hantée, apporte beaucoup aux tons et ambiances. L'homme prend un plaisir de musicos communicatif (Cranky Messiha) usant de ce feeling qui deviendra légendaire pour laisser éclater ses idées finaudes. A noter, sous le titre Love Thing, une première reprise KISS (Love Theme From KISS), leur grand amour d'adolescence. Pour clôturer, ils grungisent avec réussite le Candy-O des Cars. On en est plus à ça.

Un second album dans la suite logique du premier, peut-être moins spontané, plus ouvert. Les fauves y poursuivent leur évolution en milieu naturel.

B+
(Mighty Miracle Show Of 1000 Delights !)


jeudi 13 octobre 2022

Sunn O))) - (2000) ØØ Void


sunn O))) n’a rien inventé. Et l’existence même du groupe fait foi. Projet hommage assumé au groupe Earth, les anciens du génialissime Khanate et du culte Burning Witch s’allient pour former un projet de ce que personne n’appelait encore Drone Metal. La hype viendra vite, contre toute attente, à grand coup de concerts jusqu’en boutistes au sons sur-saturés, visages encapuchonnés et puissance sonore proche du viol. Du mystère, une plastique obtuse, un parti pris arty, LE truc que tout les gens un tant soit peu cool connaissent mais trouvent vachement underground.

Donc, ils n’ont rien inventé mais serait-ce une simple occasion de mettre en lumière l’obscur mentor sus-cité ? Le groupe chipe le nom d'une célèbre marque d’ampli pour devenir l’étoile dans le ciel noire des guitares lentes ? Car s’ils rendent hommage, ils poussent la formule encore plus loin, en un monolithe d’échos, de feedbacks et de modulations, totalement dépourvu de percussion ou de rythme, au-delà du raisonnable, au-delà du mur du son. Rock’n’roll. Le volume sonore, outre la puissance que l’on est libre d’y appliquer ("Maximum Volume Yields Maximum Results" indique très justement le livret), est proprement hallucinant. Un véritable monolithe de sons et de saturations s'abat sur l’auditeur. Un mur des lamentations, ponctué, dans le paysage lointain, de dissonances industrielles, lancinant. Il ne s’agit pas d’un simple exercice d'échantillonnage de bruits blancs, on parle bien de compositions à part entières, intrinsèquement menaçantes, inquiétantes, abasourdissantes… heavy. Les couches de matières noires se superposent, se complètent ou s’annulent et grouillent sur cette charogne nommée Richard.

Tantôt épique comme la nique, un morceau comme NN O))) s’écoute comme un hymne à la gloire de l'apesanteur. Des chants incantatoires compriment tous les péchés du monde en un bloc et le laissent s’écrouler sur l’humanité. Ou serait-ce quelques prières pour sauver nos pauvres âmes ? Peut-être dans le morbide vent purificateur de Ra At Dusk, tellement heavy, avec ce gros riff immensément pondéreux, qui évoque les Melvins quand ils collaborent avec Lustmord. Bref, que de l’amour.

Pour faire de l’improbable avec du curieux, le duo glisse une reprise (oui, une reprise) des Melvins (encore eux), Rabbit’s Revenge, un titre parfaitement inconnu que le trio de Washington jouait live à ses tout débuts. D’où les deux en toges ont sorti ce titre reste un mystère mais le résultat (de 14 min) se veut au final le plus étrange de la galette, dans lequel on reconnaît cependant les riffs griffés King Buzzo, passé au rouleau compresseur avec un groupe propulseur Red Bull Power Train (foutez-moi le copyright où vous voulez) et durant lequel on peut même brièvement entendre l’original samplé en surimpression. D’accord.

Un premier effort clairement réussi. Un feeling incroyable et une vraie volonté de composition. Une approche à la fois relativement intègre et relativement accessible (on reste loin du drone d’un Charlemagne Palestine) mais qui peut sembler redondant par manque de variété. Le projet creuse le lit dans lequel il va dorénavant se coucher et y faire des cauchemars variés.

A-
(vroooooooouuuuuum...)

lundi 10 octobre 2022

Vianney - (2016) Vianney


Allant de pair avec les inévitables apparitions publiques et médiatiques croissantes, la stardom du jeune homme devient éminente
Pour confirmer tous les biens que ces bienfaiteurs et investisseurs ont fondé en lui, Vianney Bureau ne va pas renverser les tables mais reprend le propos où il l'avait laissé deux ans plus tôt, l'augmentant d'une rhétorique d'écriture et de composition enrichies par une bouteille bienvenue.
Plus de place pour les approximations, l'auteur palois délivre une collection de morceaux plus carrés, cohérentes, prenant des direction artistiques claires. 
Le travail de production, toujours aussi pléthorique, s'en ressent et sert moins d'ornement glamour à des compositions qui n'en ont plus vraiment besoin. Mieux jaugés, les épanchement orchestraux quelques fois ronronnant, souligne le sujet, le complète mais ne l'étouffe que rarement.
Le garçon a trouvé son style et utilise ces divers éléments extra-compositif dans ce cadre.
En témoigne ce Sans Le Dire d'ouverture chargé mais touchant.

Vocalement plus aboutit, l'artiste ose plus (Oublie-Moi et ses montées dans les aïgues sans ridicule) tout en gardant ce phrasé type (qui peut agacer) mais reconnaissable et marquant, lui donnant toutes les raisons de continuer dans cette voix.
Le ton est encore plus sombre que sur le précédent effort (qui était plus spleen que sombre), retenons ce Fils A Papa, à part dans la discographie du français, longue plainte obscure aux violons ambiants et oppressant aboutissant à une spirale instrumentale chaotique. Un autre moment suspendu, L'Homme et l'Ame, hommage au victime des attentats parisiens de novembre 2015, tout en tact et émotions, au final en forme de communion cathartique dont la surprod de variété n'arrive pas à occulter une sincérité palpable.

La tradition des morceaux plus léger, légèrement second degrés, inauguré par Pas Là, n'est pas perdue comme le révèle les entêtant Dumbo, Moi Aimer Toi (avec sa basse magique et ses cuivres qui rappelle les copains du Boulevard Des Airs) ou l'énergique Quand Je Serai Père. Des morceaux moins marquant viennent complété cette mosaïque sans l'enlaidir, le gaillard ayant appris à bonifier ses moments plus faibles pour les rendre juste moins fort. La voie d'une expérience qui continue à s'accumuler et qui offre, à ce instant i, une écoute agréable, régie par un talent certains et une maîtrise affutée.

B+
(et si ça vous gêne, c'est la même)

vendredi 7 octobre 2022

Fugazi - (1988) Fugazi EP


Washington D.C., des gamins qui montent et démontent des groupes éphémères, une envie de changer le monde, de défoncer l'ancien... Tout les ingrédients sont là. Et parfois la sauce prend. Parfois des groupes restent et des légendes naissent. Il faut bien qu'elles commencent quelque part, par quelques circonstances, par quelque chose. Les Fugazi démarrent leur légende, qu'ils alimenteront en s'interdisant de la propager, avec ce premier EP auto-titré.
Aux premiers accord, ce sont certes des codes et des sons (harchi-)connus qui viennent frapper à nos tympans mais la différence est... dans l’exécution.

Loin de moi l'idée de dire que la plupart des gamins de l'époque étaient tous des poseurs... mais en fait, ouai ! Comme dans toutes les scènes, surtout celles dans leur ébullition fécondatrice. Et Fugazi arrive avec un vrai savoir, une expérience séminale non anodine et surtout une authenticité intacte.
Ils sont venus foutre des gnons, gueuler la misère, pleurer leur mal-être, revendiquer au nom de, menacer qui de droit. Ils emballent toutes leur énergie hardcore dans un écrin post-punk et te balance leurs présents (et l'absence de futur) à la tronche. Le post-hardcore écrit ses lettres de noblesse.
Du sang boue de milles idées et la pression pourrait faire sauter le couvercle à chaque instant.
En témoigne cette Waiting Room pleine à craquer de cet engagement, à la fois écorché et éclatant, au refrain imparable, limite skate.

On ressent de l'envie, celle d'en découdre mais d'y mettre les notes et les mots. Le plaisir, celui de faire du bruit, de jouer pour se faire entendre. Mais surtout un besoin, celui de laisser exploser les émotions, de faire parler ses ressentis, de taper du poing, de se sentir vivre.
Avec cette double voix, cette basse de premier plan, ces textes honnêtes et ce sens de la mélodie, le niveau de composition affiché est déjà à proprement parlé bluffant. La bouteille accumulée lors de leur vertes années paie cash. 
La suite arrive ? Vite ! Oui, très vite.

A
(we do are fucked up, get ambushed and zipped in)

The WRS - (2022) Capicúa

Sur Discogs Si tu sors plus de deux albums, en Belgique, t'es obligé d'avoir une couv' d' Elzo ( Le Prince Harry, My Dilige...