samedi 18 février 2023

Satyricon - (1996) Nemesis Divina


Le black metal de 1996 voit naître deux de ses albums les plus marquants. La seconde vague bat son plein et tant de chose reste encore à dire. Burzum claque son chef-d'œuvre Filosofem, Satyricon, après deux excellents albums en forme de travaux préparatoire, s'applique à sortir le sien : Nemesis Divina. Dans la continuité des albums précédents, la musique du duo s'assombrit toujours plus, toujours plus violente, plus intense, menaçante, désespérée, suffocante,...

Alors que le disque prend vie dans nos oreilles, chaque seconde de haine compacte nous est craché au visage et aucun répit n'est prévu jusqu'aux derniers instants de musique. Cet album n'a pas besoin de chronique, il a besoin d'être écouté, la moindre notes est à sa juste mesure, chaque break à sa juste place, bénit par la bonne (ou la mauvaise) fée du talent. Un peu comme si chaque riff était écrit à l'avance, à une époque révolue, et que Satyr avait trouvé la pierre de rosette pour les déchiffrer. On retrouve cette touche médiéval qui fit la recette de leur succès précédents, tombant même, par moment, dans l'épique (presque à la mode des Summoning contemporain). A l'instar de certains artistes néo-folk, mais dans un habillage de bile et de sang, les norvégiens font ressurgir, telle une madeleine de Proust, les sensations nostalgiques de lointains souvenirs que nous n'avons jamais vécu. Et le tour de force est là car, malgré tant de noirceur et de débauche technique, ils ne travestissent en rien la nature intrinsèque de leur art. 

Plus direct mais pas moins cinématographique et on ne peut plus mélodique, ses sept longs titres à tiroir, pour autant de marches sympho infernales, armés de leur pianos dépressifs, de leur chœurs fantomatiques, de leur coup de gratte de ménestrels et de leur nappes brumeuses  sont de véritables tubes en leur genre. Pas de ceux qui font bouger en boîte, de ceux qui font bouger la tête et soulever les cœurs musicos curieux (et certains estomacs). Chef-d'oeuvre.

A+
(biberonnés au sein de Mère Nord)

dimanche 12 février 2023

Wolvennest (Featuring Der Blutharsch And The Infinite Church Of The Leading Hand) - (2016) WLVNNST


Collectif, super-groupe ? Avec la lourdeur de La Muerte, le psychédélisme d'un Mongolito, la noirceur des Cult Of Erinyes et la voix ensorcelée de Shazzula, sur le papier, les bruxellois de Wolvennest donnent de quoi saliver... et, comme toujours, se poser des questions. C'est sans compter sur la participation du controversé et culte Der Blutharsch qui vient prêter main forte pour accoucher de ce premier effort. Kamoulox.

L'auditeur ne peut le savoir au moment de la sortie de ce disque mais les autrichiens apportent de manière prononcée leur empreinte et leurs ambiances. Unreal, au sonorité industriels, développe les ambiances incantatoires, rituelles, typique des belges mais aux saveurs métalliques et abrasives des saxons. Le résultat peut faire penser à un Laibach période metal en plus soufré.
L'apport particulier de Marc De Backer (de Mongolito) s'entend sur le solo mystique de Partir, titre à la frontière de la noise, soutenu par ces chœurs d'outre tombe pour  un contraste convaincant.

Out Of Darkness Deep, intense, fumeux, se fracasse en un chaos bruitiste alors que le gigantesque pavé Tief Unter, lourdingue, envoie une énorme machinerie de chaire et de metal, dévoreuse d'âme, antédiluvienne et lovecraftienne, dont surgit, littéralement, un solo à 6 cordes du fin fond des temps. Chou.
Le dernier titre, Nuit Noire De l’Âme (fun), ambiant industrial dans un style très... Blutharsch. Typique d'un groupe néofolk qui se tape un trip (les bidouillages sonores d'un Death In June, par exemple), une ambiance à la hauteur du patronyme. 

Voici un LP tout en contraste et en puissance, en subtilité et énergie. Plus "straight to the point" et froid que ce que proposera les bruxellois, qui ne recourront plus autant à l'expérimentations électroniques par la suite. Il est presque dommage que ce disque soit leur premier. Effectivement, ils n'ont pas l'occasion d'y afficher leur personnalité et la musique se trouve parfois un peu coincée entre les deux entités.  Quelques longueurs n'aident pas à ce sentiment d'incertitude. Il en est autre chose quand on le découvre rétrospectivement où, en connaissance des forces en places, le métissage piquera plus la curiosité et prendra plus de saveur. Il reste un album impeccable, intéressant, classieux et intense.

B++
(so unreal)

lundi 6 février 2023

Kiss The Anus Of A Black Cat - (2007) If The Sky Falls, We Shall Catch Larks


La première chose que l'on remarque, c'est cette voix, grave et fragile, parfois à la limite de la rupture, avec un léger accent dont on ne sait où. Nick Cave n'est pas loin : moins basse, sans envolés exaltées. Sevenfold, avec son accord electro-acoustique et ses cœurs masculins répétés, poussiéreux, laisse échappé un solo orientalisant pour une ambiance que n'aurait pas renié les 16 horsepower s'ils versaient dans les sonorités noisy.

Le chant mesuré de Nihil, As In Nihilism, sur cette ritournelle à la guitare, fait raisonner la référence absolue Current 93 ou, dans une moindre mesure et un autre registre, les (excellents) compatriotes de Keaton. Soutenu par un background sonore à la frontière du drone, cette longue complainte de désespoirs, devient revendicatrice au fil de accords de guitare martelés.

Neofolk, le projet de Gant (Belgique), mené comme les vents et les marrées par Stef Irritant, pioche chez les modèles du genre ses motifs répétés, tantriques, qui s'ouvrent et se referment au grès des émotions, tel un coquelicot noir des champs flamands. Le groupe (et c'est là qu'il se différencie du reste de la scène) n'en est pas pas moins très moderne, soutenu par ces sons industrial qui tracent en noir et blanc les pourtours de la créature urbaine qui s'y tapisse.

Le monument Sighing, Seething, Soothing (près de vingt minutes) nous emmène voir un Velvet Underground (Heroïne) qui échange sa veste en cuire pour un costume élimé. Ce moment suspendu frôlerait l'excès en terme de durée mais se sauve, à l'étiquette du tolérable, sur un final au parfum ethereal. Adroitement joué.

Almost, Silver, habité, parachève ce disque sur son dark folk à la fois sensible et puissant. Le groupe belge nous balance ici un bien bel os inaugural à ronger, évitant, parfois de peu, de confondre tantra hypnotique et répétition chiante, ce sur quoi même les plus grands de la discipline ont parfois trébuché. A suivre.

B+
(ce qui est toujours mieux que d'embrasser sa soeur, j'imgaine)

Psychonaut - (2014) XXIV Trips Around The Sun EP


Ah ! Les Flandres, terre de rock. La région n'en est pas à son premier groupe influent, reprenant les codes anglo-saxons avec talent, y ajoutant un sel propre, souvent arty, et parfois même un peu d'arrogance. La scène métallique bouillonne dans le sillage, entre autre, des Amenra, devenu un véritable phénomène.
De leur côté, les Psychonaut développe leur metal progressif sombre et mystique depuis 2013 avant de lâcher, l'année suivante, un premier disque. Cet EP, de 35 minutes, serait un double chez les Nails ou les compatriotes de Cocaine Piss. Pour le trio de Mechelen, c'est à peine le temps de quatre morceaux.

Le metal progressif des flamands mûri sous des riffs organiques, techniques, mutants sur des algorithmes savants, évoluant au fil des astres, à la recherche de nouvelles dimensions. Le Mantra qui descelle ces portes nous plongent à grand coup de post-metal atmosphérique dans le confins du connu avant de flotter 24 fois atour du soleil dès la piste suivante. Avec ce titre éponyme, et ses passages tantôt extrêmement sludgy, mais aussi stoner, le décorticage des rythmiques et des riffs, tout en contre-temps, peuvent évoquer un certain Tool (et seulement l'évoquer). Le titre Ascendacy rappel également un autre groupe passer maître dans ce genre d'art cérébral : Oceansize. N'allez pas plus loin qu'un feeling. Les passages ambiants, l'approche résolument doom, et le chant guttural empêche une comparaison plus approfondie. Ce fin équilibre entre chant clair et death est à retrouver dans l'Opeth des premières heures (l'excellent Morningrise). Le psychédélisme, omniprésent, est un autre point commun avec les suédois.
Comme sur le très bien nommé Psychedelic Mammoth, quelle belle image, avec son ambiance spatiale et épique, fournissant, en plein milieu, un solo de guitare des plus fumé, juste pour le fun.

Un bien beau premier effort pour les belges, qui montrent une personnalité forte, dark psyché, dans un habillage maîtrisé, pour une version Rosetta des Ulcerate (si c'est pas une comparaison flatteuse). Malgré ce maelstrom cosmique de références, le disque s'offre une unité solide. Du très bon donc, pour un départ en voyage dont on espère qu'il ouvrira les portes vers de nouvelles nébuleuses infernales. 

B+
(et des proboscidiens sous influence dans ta...)

vendredi 3 février 2023

Coil - (1987) The Unreleased Themes For Hellraiser


Que de gâchis. Lorsque le jeune Clive Barker, le vent en poupe, recevra les fonds pour adapter sa nouvelle à succès The Hellbound Heart, il fonce voir le groupe dont il rêvait pour sa bande originale. Amis et amateur de Barker, qui n'a jamais caché son envie de travailler avec eux, les Coil ont lu le roman avant qu'il ne soit publié et sont vite impliqués dans les délires esthétique de l'auteur, que le groupe nourrit en lui faisant part des leurs. Dans cette affinité nouvelle qui frôle l’exaltation pour l'écrivain britannique, le groupe se lance, avant d'élaborer leurs deuxième album, dans l'écriture de morceaux : le thème du film, le thème principal, le thème de la boîte, entre autre... Tout le monde oublie un point quelque peut important, inscrit en grande lettre, sur une colline, au sens propre : HOLLYWOOD. En pleine mode de l'horreur "en caoutchouc" (rappelez-vous tous ces effets spéciaux savoureux), les producteurs sont plus qu'enthousiaste de voir débouler des corps déformés et des démons sado-masos, mais pas un groupe industriel. Ils ont un protégé à mettre en avant et  ne laisse tout simplement pas le choix à Barker : ça sera Christopher Young à la compo.

Ce dernier fera un travail honorable sur le film et la bande son fait partie intégrante du mythe. Pour les Coil, c'est plus difficile à avaler : ils abandonnent leur morceaux et les espoirs de projection. Ils décident cependant de sortir une partie du résultat de leur travail sur une plaque 10 pouces. Seul trois des six titres sont repris et complétés par des compositions destinées à diverses publicités commerciales. Plus tard, une réédition comprenant les six titres d'Hellraiser et aucune publicité sera publiée.

Sur cette dernière, on entends tout le talent du groupe pour les pièces ambiantes. Le Hellraiser Theme ou le Main Theme nous renvoie à des titres précédents (les rythmiques très martiales de Scatology, les ambiances de Cathedral In Flames - que Barker adore) ou futurs (Ostia, First Five Minute After Death). On aperçoit l'approche d'un Restless Day ou du Babylero sur le Box Theme, qui s'englue dans les dissonances infernales. Les trois autres morceaux, dans la même veine, nous emmènent toujours plus loin dans le glauque plastique. Le gâchis absolu n'est même pas tant dans la non utilisation de ces morceaux. Ils auraient, avec leur sons inquiétants, malsains, et leur approche moderne, apporter encore une autre dimension au film, moins conventionnelle, plus en phase avec l'imagerie et le message paranormale mais en même temps humain et décadent. Lorsque l'on peut seulement imaginer les images superposés à ce son, l'histoire aurait été raconté différemment. L'autre grand regret : le son n'est pas aussi recherché qu'à l'accoutumé (ce qui reste relatif), les morceaux devaient être écris sur support électronique, via des samples, pour ensuite être arrangé en symphonique avec orchestre (auquel Barker tenait). Et ça, qu'est-ce que ça aurait été intéressant à entendre !

Les morceaux issues de publicités ne sont pas indispensables, certes, mais étonnantes, pas tout à inintéressantes. Définitivement trop courtes pour pouvoir développer grand chose, on y retrouve la patte Coil surtout à partir de Video Recorder et Airline 2.  Il y a même un côté video game music avec les Cosmetic 1 & 2 (Koji Kondo en mode sympho) ou Accident Insurance (Yasunori Mitsuda sur les Chrono). Certains valent le coup d'oreille, surtout pour l’exercice de style, où comment faire riche avec peu de temps. Brian Eno l'a expérimenté avec le Microsoft Sound et il en disait : "et je suis retourné travailler sur des pièce qui étaient longues de trois minutes, cela ressemblait à un océan de temps". C'est beau, hein...

Au final, une chronique qui met plus de temps à être lue que la musique à s'écouler. Une petite histoire dans l'histoire du groupe, un bout de plastoc étonnant à découvrir, surtout pour les fans (des anglais ou de la franchise Hellraiser, ou des deux). Non dénué de charme et d'intérêt.

B
(The consequences of raising hell…)

The WRS - (2022) Capicúa

Sur Discogs Si tu sors plus de deux albums, en Belgique, t'es obligé d'avoir une couv' d' Elzo ( Le Prince Harry, My Dilige...