mercredi 31 août 2022

Slipknot - (1996) Mate. Feed. Kill. Repeat.

 


Dans le fin fond de l’Iowa, à Des Moines, cette ville qui servit de théâtre à un épisode ubuesque de South Park (où elle est dépeinte comme arriérée d’une quinzaine d’années) se forme une petite scène musicale, une scène rock et metal où se croisent et s’entre croisent personnes, idées et styles. De cette argile se forme une entité, un certain Slipknot.

Dans cette formation en comité réduit, le quintet tourne déjà et se forge une réputation scénique chaotique et agressive. Très vite sort, le jour d’Halloween, un premier LP pressé à 1000 exemplaires : Mate. Feed. Kill. Repeat.

Bien plus qu’une simple démo, pas assez produite pour être considéré comme un album à part entière, distribué confidentiellement, cette galette sert de carte de visite dont le premier titre, sobrement intitulé Slipknot, met très vite les bases du présent et du futur du groupe : un morceau brut de décoffrage, trop bourrin et haineux pour s’encombrer d’une structure. Un morceau d’ouverture type pour le groupe qui réitéra la démarche avec des (sic) (sur Slipknot), Sarcastrophic (The Gray Chapter) voir, dans une certaine mesure, People=Shit (Iowa).

Au rayon recyclage, Gently est plus heavy, plus lent, plus doom, moins dark ambiant, plus cérébrale, moins aliéné que dans sa version présente sur Iowa, six ans plus tard.

Il se dégage une ambiance très sombre et chaotique mais une ouverture d’esprit assez claire. On retrouve déjà cette basse très ronde, groovy, et un niveau d’écriture étonnement abouti (parsemé de solos guitare, une denrée rare chez les américains).

Le plus étonnant reste finalement ces influences premières du groupe (principalement l’oeuvre de Mike Patton) que l’on retrouve sur des morceaux comme Do Nothing/Bitchslap, death funk metal sombre au final indus, Only One ou Confessions, avec leurs basses endiablées, leur phrasés rapés et leurs moments disco (no shit). Complètement décalées du reste de l’album (ou de la vision qu’on peut avoir du groupe), l'homogénéité est préservée par un son crade et violent.

Épisode second des recyclages, Tattered and Torn, dans une version plus courte que celle connue sur le premier album auto-intitulé, s’affiche plus franche et potentiellement moins tirée par les cheveux. 

Enchaînant un Some Feel qui aurait pu figurer sur une plaque ultérieur de la formation, avec ses breaks bien sentis, l’album se clôture sur un Killers Are Quiet qui n’est rien d’autre que le morceau Iowa avec des paroles différentes. Un morceau déjà très réussi, moins surproduit, plus franc et ce n’est presque pas plus mal, qui se termine en long, trop long, passage indus ambient censé cacher une hidden track découverte sans trop de hasard, un bazar très indus, limite bruitiste, mystérieux, carrément inutile, comme toute bonne piste cachée qui se respecte sur une production 90’s.


Voilà un album/démo finalement riche de ses influences death, nu, groove, indus, funk, jazzy, disco, parfois dark ambiant, et complètement ancrée dans son époque. Le groupe y montre déjà un savoir-faire certain pour créer des ambiances. Le nu metal étant plus vendeur que le funk metal en déclin, la réputation scénique du groupe le précédant, on comprend pourquoi Ross Robinson gardera l’aspect le plus sombre et violent du groupe pour le prochain "premier" album, quitte à envoyer complètement chier l’aspect le plus créatif.

B

(étonnement, peut-être... ou pas!)

lundi 29 août 2022

Stromae - (2010) Cheese


Après le single Up Saw Liz, passé inaperçu (mais non sans quelques vertues) et l’harchi-tubesque Alors On Danse, Stromae est attendu au tournant avec son premier longue durée intitulé ironiquement Cheese.


Avec le morceau d’ouverture, Bienvenue Chez Moi, l’auditeur curieux est accueilli sur une production somme toute assez plate et une écriture pas forcément inspirée. Juste après, Te Quiero, second morceau choisi pour promouvoir l’album, est loin de crever les voûtes de la créativité bien qu'il ait le mérite de nous entraîner, voire de nous entêter. Vendu. La suite ? La suite est tout autant mitigée. 

D’un côté : ce Rail de Musique quelque peu puéril à tous les niveaux, un Je Cours sans relief ou un barbant House’llelujah qui ne semble suivre aucune direction. La production n’a pas beaucoup de saveur ou semble datée, cheap, même pour son époque, et les sons d’un générique lassant (alors qu’un son catchy mais recherché deviendra la griffe du bruxellois). 

De l’autre côté : quelques bons moments tels ces Peace Or Violence, bien écrit, ce Summertime intéressant ou ce Dodo original, sans recherche plastique mais bien pensé (qui annonce des titres comme Carmen). A noter également le très bon instrumental Silence, inventif, une vraie réussite.

L’interprétation parfois poussive, limite forcée, soutient des titres manquant de mélodies marquantes, bien que dotés de quelques bonnes lignes vocales (une autre force de l’auteur), comme l'illustre très bien le morceau-titre de clôture, Cheese. Clairement, Paul Van Haver (de son vrai nom) ne maîtrise pas encore assez ses joujoux pour exprimer ce qu’il a dans la tête, mais peut-être que ses joujoux ne sont pas encore à la hauteur de ce qu’il veut exprimer.


Reste le tube mentionné en introduction de cette humble chronique, d’une simplicité noble, incontestablement accrocheur et immédiatement identifiable, qui rebondit dans la tête tout un été durant. Un coup de maître dont l’album sert un peu plus de compagnon que inversement. Dommage, on sourit quelques fois un peu jaune.


C+

(allez : 1, 2, 3, chocolaaaat)


 

dimanche 28 août 2022

Converge - (1998) When Forever Comes Crashing

 

1998 - Sur Discogs

Avec ce When Forever Comes Crashing (WFCC), lâché deux ans après son ainé, Converge a clairement pris en maturité. On n’est pas encore à ce son “type”, compacte, glauque, soufré mais on s’en rapproche furieusement. En attendant, quand My Unsaid Everything vient te gifler, t’es quand même content d’être venu.

L’empreinte Mathcore est plus marquée, avec son lot de contretemps très bien senti (ceux de Conduit sont affolants, Letterbomb en envoie quelques ogives) pour un résultat résolument intense.


Le panelle d’émotions est plus large et plus juste qu'auparavant en atteste ce The High Cost Of Playing God et ses breaks de malade, pachydermiques ou ce The Lowest Common Denominator, sludge et noisy, à la frontière de la sanité mentale.

Ten Cents, balade dépressive, puant l’humidité et la moisissure, se croupie avant que Year Of The Swine, puissant, efficace, presque death, avec sa batterie survitaminée et ses slides de guitare bavantes, nous bondisse à la carotide. Un autre moment marquant.


Dans sa globalité, l’album est qualitativement plus relevé que Petitioning The Sky (dont la popularité, il faut se l’avouer, reposait énormément sur son premier titre, le brillant The Saddest Day). Il transparaît cependant une certaine répétition dans l’écriture au fil de l’album (il faut laisser le temps au temps comme disait les autres).

Love As Arson, pleins de haine et de pipi, clôture les débats, juste parce qu'il ne faudrait pas, avant de partir, oublier pourquoi on est venu. Merci !


A-

(non, mais continuez, faites comme si je n'étais pas là)


vendredi 26 août 2022

Converge - (1996) Petitioning The Empty Sky LP

 

1996 - Sur Discogs 

Après un premier album auto-produit et échangé sous le manteau, Converge accouche d’un EP 4 titres, Petitioning The Empty Sky, servant d’hors d'œuvre à un futur longue durée. 

Distribué sur un label plus sérieux mais qui a le bras long, Ferret n’hésite pas à ressortir le même disque, augmentée de 4 autres nouveaux titres et d’en faire un LP (ce qui ne sera pas au goût du groupe).

Cet album, enfin, cette compil, enfin, bref, doit son prestige en grande partie à son premier morceau, The Saddest Day, sept minutes de hardcore au relent brutal death prog. Un bazar multifacette, aux changements d’ambiance, de textures, de couleurs et d’émotions parfaitement et incroyablement maîtrisé. On est encore assez loin du Converge d’un Jane Doe, mais ça en a déjà l’odeur. Certes, le chanteur Bannon n’a pas encore atteint tout son potentiel et le groupe semble hésiter, comme sur le reste de l’album, à soit complètement embrasser certaines voix, soit à oser en suivre d'autres mais le talent brut est palpable. La sueure, la pisse et le pot d’échappement ravagent le nerf olfactif.

Le reste de l’album pourrait être une formalité, la messe serait déjà dite.

Des morceaux efficaces et/ou plombés éclatent, où on peut entrevoir dans les étincelles le futur du mathcore (Forsaken, Shingles, Color Me Blood).  Les idées sont là, de bonnes idées, mais leurs digestions n’est pas aussi limpide que ce que le groupe proposera par la suite. De facto, l’album est plus disparate, plus panoramique, ce qui lui procure un certain charme, avec des morceaux plus marqués les un des autres. 

Côté pile, on peut parler de Farewell Note To This City, très mélodique, ambiant mais à l'interprétation frôlant la caricature de soi-même, sauvée par son honnêteté et son feeling.

L’influence du modèle Fugazi est criante particulièrement sur l’excellent Dead ou encore Albatross, l’art de faire des miracles : 1 minute 40 désespérée et à fleur de peau. 

Définitivement hardcore (comme en atteste encore Buried But Breathing, skate mathcore - sisi), l’album restera cette fusée cathartique, d’une jeunesse pétrit de talent et de haine. Une carte de visite pour ce groupe à l’avenir que l’on connaît.


B+
(continuez, messieurs, continuez)

~X Nine Inch Nails - (2007/04) Year Zero

 

Avril 2007 - Sur Discogs

Alors là par contre, autant le temps entre The Fragile et With Teeth a pu sembler long,  autant 2 ans pour pondre celui-ci, c’est à se poser des questions.

Des questions auxquelles le père Reznor répond très vite. Effectivement, devenu monstre frénétique de la tâche en tournée, il passe le plus clair de son temps libre de boulimique du travail à écrire pour un nouvel album concept. Dans un futur proche, le gouvernement contrôle totalement la population et un groupe de résistants tente de renverser la vapeur.

Pour habiller son univers, Trent revient à quelque chose qu’on aime bien… L’INDUS. Plus celle de The Downward Spiral ou Pretty Hate Machine, encore autre chose, une indus plus électronique, qui n’hésite plus à remplacer les instruments par de la noise pure. 


Entendons-nous, les structures restent pop-rock, les émotions sont bien là mais la machinerie n’est jamais loin.

Finement sélectionnés, les sons s'amoncellent pour former un collage, un titre. Les instruments viennent se greffer pour une surdose de puissance, d’émotions ou d’humanité, pour un résultat parfois rythmic noise, parfois trip hop, foutrement rock.

Au rayon du bruitisme au service des compositions, des morceaux incroyables comme l’écrasant Vessel ou l’épique The Great Destroyer (au final purement noise, à la Esplendor Geometrico vs Masami Akita) sont les plus dignes représentant du “son” Year Zero, avec une domination claire de l’outil électronique. Cependant, de vrais moments rock sont à noter (le tube Survivalism ou encore le menaçant et groovy Meet Your Master). Quelques morceaux plus easy-listening (l’increvable Beginning Of The End, The Good Soldier,...) relaient des morceaux au relents trip-hop pas piquer des hannetons : le dansant Me, I’m Not ou le diable The Greater Good avec ses lignes de basses putasses (sâles mais affriolantes).

Les deux curiosités de la plaque, outre le sus-nommé Great Destroyer au patronyme tout trouvé, sont la balade sur-saturées The Warning, qui s’infiltre dans la cervelle sans-retour, (cette ligne de basse) et le noisy-dance (sisi) God Given, où Trent joue un gospel white power fanatique. L’album nous salue bien bas sur une duette finale plus calme : In This Twilight, balade fébrile à la rythmique violente et Zero Sum, trip-hop ambient post-apocalyptique totalement résigné. Une totale réussite.


Avec ce Year Zero aux nombreux contrastes (encore et toujours), la puissance mécanique et électronique laissent librement les émotions exulter, sans jamais oublier le sens des mélodies (encore et toujours). La formation prouve qu’en gardant leur patte, elle arrive encore et toujours à trouver de nouvelles formes d’expression. Ce qui est à retenir, c’est qu’en termes de compositions, cette offrande marche dans les pas de With Teeth, possède pour lui une large accessibilité et d’une très grande palette de style et de couleurs. L’habillage sonore va peut-être rebuter quelques lambas.

C’est pour cette polarité, ce comble de contraste, que je considérerai toujours Year Zero comme le troisième plus grand disque de Nine Inch Nails


A

(et de toute façon, je fais ce que je veux…)


~X Nine Inch Nails - (2002) And All That Could Have Been. Live

 

2002 - Sur Discogs


Le disque n’est même pas encore tout à fait lu par l’Hi-Fi que la rythmique violente de Terrible Lie surgit du néant et t’en claque une en pleine face. Les beaux diables derrière leur écran de fumigène hurlent leur rancœur et te fixent au sol. Après cette déclaration de guerre, au final de fin du monde, on t’envoie un missile sonique en la personne de Sin. Reznor racollent l’assemblée avec son célèbre “Are you fuckin’ pigs ?”, puis t’envoie la salve indus rock’n’roll March Of The Pigs, au cas où tes genoux te tiendraient encore debout. Pour calmer le jeu, mais sans perdre en intensité, on souffle avec une vicelarde version de Piggy.

Quand le quintet se décide enfin à sortir une offrande live, ils n’ont pas empaqueté leurs valises pour rigoler. La puissance du son est impressionnante, soutenue par une postproduction juste mais relevée et par un line-up au sommet, représenté par James Dillon à la batterie, organique et tout en mesure (Reznor, multi-instrumentiste, n’a jamais excellé à la batterie mais a toujours bien sû s’entourer).

L’odeur d’essence se mêle à celle du soufre et de la sueur pour une ambiance incandescente à la hauteur de la réputation du groupe. Les morceaux les plus rocks, furieux et poisseux (comme ce The Frail habité ouvrant à ce The Wretched haineux et désespéré) sont relayés par des moments de recueillements dont les émanations émotionnelles sont d’une grande beauté (The Mark Has Been Made au mix heavy ou The Great Below crépusculaire). 

Tout le contraste plastique de la tournée émane de cette galette.

En témoigne cette apothéose : le massif et puissant Head Like A Hole ; l’hypnotique et délicat The Day The World Went Away - véritable aurore boréale branchée sur amplificateurs ; le sinueux et explosif Starfuckers, Inc. et l’au-revoir murmuré par Hurt, puissant et sensible, habillé par un arrangement tout spécial.


L’album complète finalement bien son penchant DVD en offrant un condensé plus intense du savoir faire scénique de la formation. Un reproche que plusieurs observateurs ont pu faire, outre cette surproduction (qui, je le répète, à mes yeux, reste honnête et ne trahit en rien l’âme live du groupe), c’est justement ce côté presque best-of. La promotion n’avait jamais caché cette intention et l’ensemble du produit reste parfaitement cohérent. Pour ceux qui doutent : ils n’ont jamais beaucoup communiqué avec le public et ils ont toujours joué pied au plancher. Cela reste un choix artistique qui se discute (bien sûr). Reste un nombre affolant de bootlegs pour ceux qui veulent (je ne me suis jamais gêné).


A

(et de rien pour les dents cassées)

~X Nine Inch Nails - (2005) With Teeth


5 longues années, c’est à priori le temps qu’il faut pour mettre sur pied un cd et un dvd live, faire une cure de désintox (définitive cette fois-ci), écrire une collection de chansons et bodybuilder son corps. En tout cas, le père Reznor ne s’est pas ennuyé. Changement de vie, changement de fonctionnement. Fini les heures passées dans un studio à trouver la solution dans les rails de coke, le gars s’impose des deadlines pour terminer ses morceaux, séparant composition, enregistrement et production. C’est un homme sain dans son corps (mon dieu, quel changement) et dans sa tête (mon dieu… quel changement) qui revient avec autre chose qu’un album-concepte et une envie claire de faire du rock.


L’album s’ouvre sur All The Love In The World, morceau atypique, débutant comme une ballade piano/boite à rythme déprimée pour partir dans un trip vaguement gospel, au multiple cœurs se superposant, désespéré mais entraînant. OK. S’ensuit un bon gros paquets de morceaux rock, plus ou moins FM, (le furieux You Know What Your Are ?, les contretemps de Collector, le plombé et suave The Line Begins To Blur, ...).

Reznor se laisse complètement aller à ses envies et revendique ses influences et son amour pour la musique pop-rock avec le très FM The Hand That Feed (hymne anti-républicain) ou le punk-rock indus Getting Smaller (qui aura fait frapper des touches sur les forums dédiés).

Mais ce qui aura vraiment fait hurler les hardcores restera Everyday Is Exactly The Same, titre à la mélodie imparable mais pure produit piano-rock, ou encore le léger Sunspots, d’une simplicité pop à priori trop limpide.


Les balades ne sont pas en reste. Love Is Not Enough et sa rythmique venimeuse, l’intense morceau-titre (un modèle de compo reznorienne), le magnifique Right Where It Belongs ou l’ovni pop-drone (ah sisi) Beside You In Time, un peu long et déroutant au premières écoutes (mais qui prendra une dimension live incroyable). Une autre livraison atypique est à signaler en la pièce Only, avec son piano cabaret lounge sombre et son phrasé accusateur.


Vous l’avez compris, on est moins face à de l’indus qu’à un pop-rock avec des sons un peu méchants. Les éléments électro sont là pour colorer des compos qui n’en n’ont pas vraiment besoin, pour mettre un peu plus de forme au fond. 

With Teeth reste donc un album du renouveau, une sorte de passage initiatique nécessaire pour que son auteur puisse se recentrer sur sa musique, pour qu’il laisse libre court à tous les possibles et se fiche enfin de ce qu'on peut bien penser de lui. Une véritable collection de son savoir-faire avec ses moments forts, ses moments plus discrets, ses choix qui, de loins, semblent discutables, mais une authenticité non-réfutable. Un peu décrié lors de sa libération en pleine nature, ce LP deviendra au fur et à mesure quelque chose de solide et mythique pour une frange de fans fidèles qui ont compris qu’un artiste n’était pas forcément obligé de reproduire une formule (et c’était quoi la formule NIN, en fait ?). Ils sont de retour et ils montrent les dents.


A-

(avec le sourire carnassier)

Nine Inch Nails - (2000) Things Falling Apart


On prend la même formule, on ne reprend pas les mêmes et on recommence quand même. Dans la saga des EP de remix, suite et pas fin. L’ensemble de l’ère The Fragile (TF) aura été un long chemin de croix. Les Fragility Tour 1.0 et 2.0 consécutifs auront été, en coulisse, une longue descente aux enfers pour le groupe, individuellement et en tant qu’entité. Cependant, quelques mois après sort le sujet de cette chronique : Things Falling Apart.


Derrière cette très jolie pochette, premier constat : 2 originaux inédits, une reprise et 7 remixs, dont 3 de la même chanson (oui, comme dans TROIS). Comparé au précédent EP, la  démarche compositionnelle et de re-création est substituée par celle d'assemblage de raretés et b-sides. J’imagine que Further Down The Spiral comptait son lot de Mr. Self-Destruct… Ça fait quand même remplissage.


Ce qui devrait être le plus excitant reste donc les deux compositions originales, extraites parmi le dédales de morceaux que Reznor aurait écrit durant les sessions de l’album modèle. La première, The Great Collapse, instrumental fort sympathique, reste dans la veine de TF, avec son côté ambiant et trip-hop. Sympathique, certes, mais le choix de ne pas l’avoir retenue lors du cut final n’est pas insensé non plus. Bien qu’il soit intéressant de découvrir une chute de studio, ce n’était pas un trésor perdu (notez cependant que le morceau sert clairement de brouillon à The Greater Good, titre présent 7 ans plus tard sur Year Zero). Il en est tout autre pour le second inédit, un peu plus loins, 10 Miles High qui possède une vraie force émotionnelle, une mélodie entêtante et une interprétation viscérale. Petit hick, ce n’est pas vraiment un inédit : le titre se trouvait déjà sur la version vinyle de l’album et sur certaine version du single We’re In This Together. Ça fait tache.


Allez, pas grave, il y a une reprise de Metal de Gary Numan, un autre héros, cette fameuse reprise que le groupe travaille depuis 95. Cela s’entend : le morceau est une leçon de sur-prod avec ses arrangements en cascades mais long, downtempo, presque lent…


Au rayon des remixs, notons que Slipping Away reconfigure complètement le morceau Into The Void en autre chose de plus trip-hop noisy, assez réussi. La version de The Wretched propose un mix très épuré à la rythmique forte pour un résultat ambiant et plus inquiétant mais pas franchement intéressant. 

On croise par contre une véritable pépite en la remix de The Frail, au violon, parfumé de sons glitch corrosifs, qui vaut le coup d’oreille. Toute la dramaturgie de l’original est préservée, voire sublimée. 

De son côté, Where Is Everybody ? (version) clôture ses tribulations posées et ambiantes en un final rythmique et glitchy à souhait. 

On termine sur les trois remixs de Starfuckers, Inc. : la deuxième, par Dave Ogilvie, prend une vraie direction, dance, entraînante et fondamentalement réussie. Certes déroutante et peu au goût de certains puristes mais l’exercice de réinterprétation est là. Aux relents rythmic noise, les deux autres peinent à briller, soit de par ce mix elliptique et quand même vachement répétitif pour la première, soit par une direction artistique transparente pour la dernière. Ça fait forcé.

 

La galette est glitch et noisy mais terriblement molle. Les vraies réussites manquent de cette puissance qui empêche le papier peint de décoller. On ne retrouve en rien ce sentiment d’unité que possédaient les autres exercices du genre. Un sentiment de longueur et de répétition omniprésent empêchera définitivement cette galette de ne pas tomber en pièce.


C+

(et ça fait délabré)


Nine Inch Nails - (1999) The Fragile

1999 - Sur discogs


Trois années et demi s’écoulent entre la fin de la tournée des clubs qui clôtura la promotion de Further Down The Spiral et la sortie de The Fragile (TF). Dans l’entre-faite, Reznor a fait joue-joue avec la B.O. de Lost Highway de David Lynch (pour laquelle il écrit, entre autres, le culte The Perfect Drug, accompagné de son clip qui l’est tout autant). Trois ans et demi, c’est finalement peu pour un double mais c’est une éternité pour les fans qui n’ont jamais attendu aussi longtemps entre deux offrandes du projet. Reznor accouche des 23 titres de la version CD dans la douleur. En proie aux addictions et à la dépression, il passera des heures, des jours et des mois dans son studio à travailler, modifier, recommencer, s’acharner, détruire, recommencer, enregistrer, ... En résulte l'œuvre la plus personnelle du projet à ce jour.

Ce qui manquait à Trentounet pour rentrer dans la légende était de claquer un deuxième chef-d'œuvre mais à contre courant, qu’il brille là où on ne l’attend pas. Il s'exécute. Les instruments acoustiques ou electromécaniques, avec leurs fragilités et leurs aspérités, se substituent au visage le plus indus du groupe. Au lieu de les créer de toutes pièces de façon électronique, le groupe va rechercher les imperfections dans la nature même des cordes. Ce qui reste, c’est cette recherche du son, avec l’utilisation parfois très détourné des instruments ou de sources sonores. Tout au long de ce disque qui se repose entièrement sur les contrastes, certains thèmes, motifs ou thématiques viennent et reviennent, à la volée ou à la dérobée, d’un morceau à l’autre, d’un disque à l’autre.

L’ouverture Somewhat Damaged, avec ce motif rythmique répété, augmenté par de plus en plus d’intervenants, jusqu’à ce final catharsistique, est une véritable explosion émotionnelle.

L’émotion et les contrastes sont les maîtres mots de TF, s’exprimant sous des formes plus ou moins brutes. Comme dans ce The Day The World Went Away, tout en spleen qui nous surprend avec ce mur de son à la puissance dramatique. La charge émotive de We’re In This Together (un grand classique presque jamais joué en live) nous prend à la gorge. Le rock (le tube organique indus The Frail/The Wretched ; le volcanique et rock’n’roll No, You Don’t), côtoie des instrumentaux inspirés, entre trip hop et histoire sans parole (l’intense Just Like You Imagined, le nostalgique La Mer, la décadente procession Pilgrimage). Les balades rock hantées ne sont pas oubliées avec le protéiforme The Fragile, le tout en mesure Even Deeper ou l’absolument sublime The Great Below, qui clôture cette première partie, nommée Left.


Il serait culotté de contredire ceux qui trouvent que Right perd en intensité par rapport à son voisin de digipack. Cependant, ne vous trompez pas et prenez votre temps, car il ne manque pas de bonnes idées et de quelques surprises. L’halluciné The Way Out Is Through (qui rappel un peu le titre The Downward Spiral, surtout dans leur approche live) reprend magnifiquement le sujet là on l’avait laissé. S’ensuit l’hypnotique basse d’Into The Void, le groovy Where Is Everybody ? (un morceau sous-estimé) et l’inquiétant instrumental The Mark Has Been Made. Le easy-listening rock Please ouvre gentiment la voie aux hit rock indus Starfuckers, Inc. (avec son clip bien provoc). L’album se termine sur un instrumental sonic (Complication), et quelques curiosités (dont l’excellente baffe rock The Big Come Down), et ce long et malsain dernier morceau, l’ambiant Ripe (With Decay), un véritable pied de nez, où Mike Garson, claviériste de Bowie, vient martelé quelques notes glaçantes.


Bref, un opus imposant, titanesque, aux multiples facettes, aux multiples contrastes, aux multiples émotions, aux multiples lectures, qui se redécouvre et se laisse redécouvrir longtemps. Un petit suicide commercial et artistique qui sera soutenue tambour battant par une tournée plastique et destructrice, qui représentera aux mieux la vision et les interets de cette (double-)galette. Le temps et une fan-base prédicatrice finiront par éclairer cet album sur sa fascinante beauté, subtilité, variété, fragilité…


A++

(et des bisous partout…)

The WRS - (2022) Capicúa

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