mardi 6 septembre 2022

Slipknot - (2001) Iowa


L’enregistrement de cet opus sera un long chemin de croix. Les ego commençant à se gonfler de substances addictives, de groupies faciles et de star-power mal assumée, les 9 de Des Moines se supportent à peine, ne s’écoutent plus, somment chacun une voix au chapitre commun mais enregistrent séparément, de leur côté.
Ross Robinson rempile à la (sur-)prod et sert d’assistant sociale. Mais ce qui s’annonce comme un boxon programmé prendra une tournure toute autre : c’est sans compter sur l’envie commune d'en découdre, de faire l’album qu’ils veulent faire et envoyer balader royalement le monde entier, quitte à se compter parmi les victimes. Au démoulage, on découvre un album noire, féroce, rapide, brutal, viscéral.

Première observation, les morceaux sont tout simplement mieux composés. Toujours sans fioritures, on recense un vrai sens de la mélodie (malgré la violence), des enchaînements excellemment menés et des breaks finement posés. Joey Jordison reste trop sur-mixé et étouffe parfois le reste des instruments, surtout que les cordes sont nettement plus inspirées et de vrais riffs se font entendre. On lui pardonne vite car toujours aussi incroyable techniquement, il ne doit cependant plus porter tout seul certains titres, comme c’était le cas précédemment.

La galette commence très fort avec un enchaînement de hits en devenir : People=Shit (ce long crescendo de haine pure) ; Disasterpieces (un classique) ; My Plage (un morceau death groovy et un refrain “nu”) ; Everything Ends (le plus grand tube du groupe, c’est juste que personne ne s’en est encore rendu compte) et The Heretic Anthem (LE tube de ce disque, avec son break, sa batterie, son refrain racoleur… tout est fou).
Le son, d’une violence inouïe, navigue entre death et hardcore, saupoudré de quelques réminiscences nu-metal soufflée avec justesse.
Corey Taylor a progressé de manière phénoménale et s’impose d’emblée comme un des tout meilleurs chanteurs de musique extrême. Outre ce coffre qui lui permet de littéralement gueuler sans frémir, la palette des émotions et des capacités débloquent celle des possibilités. Ses textes sont encore bien loins d’être poétique (pour certains, ils sont parfaitement stupides) mais il a développé un infaillible sens de la punchline.
Gently, vestige de Mate. Feed. Kill. Repeat. offre un moment de recueillement pestilentiel : une ambiance glauque, où l’hallucination psychotique n’est pas loin, pour une interprétation habitée. Ce morceau est, selon votre humble serviteur, l’illustration parfaite du savoir-faire Iowien en termes de génération d’ambiance. Un titre incroyable.
A partir de ce moment, l’album ralentit de rythme et perd légèrement le suffrage du plus grand nombre. Là où Left Behind a sa réputation de single pour lui et n’a rien à prouver sur son potentiel mélodique, The Shape, I Am Hated , New Abortion et Metabolic attire quand même l’oreille par leur capacité à faire très bien avec moins. Effectivement, ces morceaux n’ont jamais été des classiques du groupe (et ne furent pour ainsi dire plus jouées en concert après la tournée promotionnelle de celui-ci). Cependant, elles recèlent chacune d’un quelque chose, une bonne idée, un parti pris attrayant. Là où la nonette était parfois prise en flagrant délit de remplissage plus que maladroit et grimait une bonne idée d’un fard vulgaire, ils arrivent ici à convertir l’essai et rendre intéressants leurs morceaux à priori moins inspirés. Bonifier ses temps faibles est une force en soi, qui n’est pas donné à tout le monde, et le signe que le métier entre.
Finissons sur deux belles pièces en les personnes de Skin Ticket et Iowa. Je regroupe ces deux titres car ils font partie de ces morceaux que j’aime appeler “à ambiance”, non pas purement ambiant mais possédant une réelle atmosphère, en l'occurrence extrêmement malsaine et dérangeante. Le premier est complètement plombé, organique, et le second, le morceau titre, une longue complainte de 15 minutes à la limite de la démence. Un délice durant lequel on a pu  admirer le talent de Craig Jones et Sid Wilson.

Bien, bien… Reste le grand débat de sa vocation commerciale. Joey Jordison avait, à l’époque, conté à l’illustre Kerrang! : "Iowa, encore plus que le premier disque, était l’album que nous voulions vraiment réaliser”. Outre mettre en lumière les contraintes inhérentes au premier compact, il éclaire sur la volonté du groupe d’envoyer un message et d’y parvenir avec le second. Cet album est trop organique et rempli de haine adolescente pour être complètement malhonnête. En outre, pour contre-exemple, prenez à peu de chose près n’importe quel obus des 20 dernières années d’un groupe comme Cannibal Corpse (au hasard, rien de personnel) avec tous les codes (clichés ?) qu’il se trimbale (pochette dégueu, blasts, prod de cave, riffs carrés, chant typé) et dites moi qu’il n’est pas calibré pil-poil pour un public cible. Sont-ils taxés de groupe commercial ? Alors quand un groupe joue avec ses tripes aussi violemment et fort que Slipknot, je ne vois pas en quoi ils le sont plus. Je vous laisse sur cette pierre qui roule et je m’en vais troller plus loin.
Bise, hein, dis…

A-
(but maybe it's wrong, fucked and over-rated)

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