Album de la consécration pour la formation basée alors à la Nouvelle-Orléans, The Downward Spiral (TDS) propulsera le père Reznor au statut de figure majeur de la scène rock américaine des années 90 : rock star rincée, artiste maudit, ingé-son de génie, producteur surdoué, bête de scène, artiste multi-facette,...
L’objet dit tout : la pochette et le livret arbore une imagerie plastique, arty et dérangeante et une typographie caractéristique, tout en minuscule (en hommage à Bukowski ?). Entre insectes écrasés et machines rouillées, on y devine le passage ancien de l’humain.
Tout ce soin, c’est pour mieux nous plonger dans l’univers et l’histoire de cet album. TDS raconte un peu l’histoire d’un être humain, le Mr Self-Destruct du premier morceau, qui entre dans la spirale descendante de la dépression. Dès ce premier titre, on peut entendre les rouages de cette immense machinerie en marche, qui tourne, telle une locomotive qui avance sur ce personnage, inexorablement. Tout le long de l’album, on peut percevoir ce bruit elliptique, cette spirale qui tourne sur elle-même (Mr Self-Destruct, Ruiner, Closer, Eraser, le morceau titre,...). Au travers de ce premier morceau, on aperçoit presque l’ensemble de l’album : toutes ses humeurs et thématiques, ainsi que son niveau de production et de soucis du détail encore plus affolant qu’auparavant.
Comme dans toute dépression, on a ces moments désabusés et de résignation (la balade Piggy, sa basse perchée, son solo de batterie magique, seul enregistrement connu de Reznor à la batterie) ; ces moments où l’on se rebelle contre tout (God Is Dead, hymne rock anticlérical) ; ces moments revanchard où on ne se ment qu’à soi-même (Ruiner, sa rythmique sautillante, presque dansante, et son solo malsain).
La palette d’émotions est aussi large que celle des mélodies, se confrontant, contrastant avec ce chaos, ce mur de bruit, cette destruction industrialisée. L’illustration la plus frappante (et une des plus célèbres) reste March Of The Pig, véritable capsule d’énergie à la structure pour ainsi dire inexistante transformé un tube rock indus indéboulonnable. Ou encore ce The Becoming, long monologue maladif qui termine sur un chaos rageur. Ais-je évoqué Eraser ? Long crescendo hypnotique et schizophrène, envoûtant, qui va sournoisement chercher au fond de l’auditeur une émotion fébrile pour l’expulser dans ce final nihiliste ? La production et l’écriture alambiquée ouvrent les portes à nombre d’idées brillantes.
Mais parmi ce marasme sans concession se cache d'authentiques singles. Outre le March Of The Pig sus-cité, notons le célèbre et pornographique Closer, avec sa basse irréelle et son tempo hallucinogène. Son clip sur-stylisé et censuré reste la plus grande illustration de l’imagerie du groupe à ce moment M. Plus loin, nous retrouvons aussi Reptile, véritable tube puant le sexe, leçon de rock indus plombé.
L’album se termine un peu comme il a commencé, c'est-à-dire par un morceau qui l’illustre parfaitement (The Downward Spiral). La machine folle ralentit, se disloque définitivement et se crash dan une destruction totale : “Bang, so much blood for such a tiny little hole…”
Hurt, ce grand titre repris par qui vous savez et qui n’appartiendra plus jamais vraiment à son auteur (de ses propres mots), vient fournir l’épilogue qui clôt l’album, constatant amèrement les regrets et les dégâts. Un album de légendes.
A++
(+ + + +...)
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